Charles Aznavour
Trenetement
Ma page est vierge, je suis devant, il me faut écrire un roman
Et je gamberge, me tiens le front en cherchant une inspiration
Si dans une heure, j'ai pu noircir quelques feuillets
Mon éditeur pourra me consentir un prêt que ma concierge
Guette déjà, car mon loyer n'est pas payé depuis six mois

Je me concentre mais rien ne vient et je suis mangé par la faim
Car dans mon ventre, au désespoir, il n'y a pas même un café noir
J'ai beau chercher, comment faire un repas gratuit?
Dans le quartier, je n'obtiens plus aucun crédit
Et quand je rentre chez eux, parfois
Les commerçants sont menaçants dès qu'ils me voient

Muse ma reine, ma tendre amie, mon doux cœur et mon pur esprit
Mets-moi en veine, je suis à court, je t'en prie, viens à mon secours
Donne-moi donc trois personnages et un décor
Qui connaîtront la vie, l'amour et puis la mort
Que ça devienne un best-seller qui m'offre un jour
Et le Goncourt, et l'habit vert

Mon cœur bat vite, ça y est, je crois, mon roman s'écrit malgré moi
Quand je cogite, ma plume court, j'en oublie tout ce qui m'entoure
Je suis génial, j'ai fini l’œuvre en une nuit
Le point final est au bas de mon manuscrit
Je sollicite mon éditeur qui m'éconduit avec mépris, ah! Quel malheur
Dès lors je sombre dans la folie et je dis adieu à la vie
Dans la pénombre, sans oraison, je me fais un trou dans le front
Je vois d'en haut, les gens s'arracher mes bouquins
Souvent il faut mourir pour devenir quelqu'un
Mais comme une ombre, souvent la nuit, je reviendrai
Je le promets et sans répit
Je ferai peur aux éditeurs toutes les nuits
Je ferai peur aux éditeurs toutes les nuits