Demi Portion
Le mécréant
Est-il en notre temps rien de plus odieux
De plus désespérant que de ne pas croire en Dieu ?
J’voudrais avoir la foi, la foi d’mon charbonnier
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier
Mon voisin du dessus : un certain Blaise Pascal
M’a gentiment donné, ce conseil amical
Mettez-vous à genoux, priez et implorez
Faire qu’semblant de croire et bientôt vous m’croirez
J’me mis à débiter les rotules à terre
Tous les Ave Maria et tous les paternes austères
Dans les rues, les cafés, les trains, les autobus
Tous les De Profundis, tous les morpionibus
Sur ces entrefaites là s’trouvant dans les orties
Une soutane à ma taille et j’m’en suis travestis
Et tonsuré de frais, ma guitare à la main
Vers la foi salvatrice, j’me mis en chemin
J’tombais sur un boisseau d’punaises de sacristie
Me prenant pour un autre, en chœur
Elles m’ont dit « mon père, chantez nous donc quelques refrains sacrés
Quelques saines chansons dont vous avez l’secret »
Grattant avec ferveur, les cordes sous mes doigts
J’entonnais Le gorille avec Putain de toi
Criant à l’imposteur, aux traitres aux papelards
Elles veulent me faire subir le supplice d’Abélard
J’vais grossir les rangs des muets du Sérail
Les belles ne viendront plus se pendre à mon poitrail
Grâce à ma voix coupée, j’aurai la place de choix
Au milieu des petits chanteurs à la croix d’bois
Attirer par le bruit, une dame de charité
Leur dire « que faites-vous ? Malheureuses arrêtez »
Y’a tant d’hommes aujourd’hui qui ont un penchant pervers
A prendre obstinément Cupidon à l’envers
Tant d’hommes dépourvus de leurs virils appas
A ceux qui en ont encore, ne les enlevons pas
Ces arguments massues firent une grosse impression
On me laissa partir avec des ovations
Mais sur le chemin du ciel, je n’ferai plus un pas
La foi viendra d’elle-même ou elle ne viendra pas
J’n’ai jamais tué, jamais violé non plus
Y’a déjà quelques temps que je ne vole plus
Et si l’Éternel existe, en fin d’compte il voit
Que je me conduis guère plus mal qu’si j’avais la foi
Si l’Éternel existe, en fin d’compte il voit
Que je me conduis guère plus mal qu’si on avait la foi