Bigflo & Oli
Je suis - 2817174
[Couplet : Bigflo & Oli]

Je suis enfermé, à l'étroit dans ma cellule
Tous les jours le même café mais c'est le temps qui est soluble
Ces bonnes actions que l'on regrette, ces erreurs que l'on refait
Au parloir je parle autant, à mon fils qu'à mon reflet

Je suis gelé, j'enchaîne les vers et les hivers
Pour se rassurer les passants doivent tous penser que l'on hiberne
Bercé par le son des pas, le bruit des pièces dans les poches
Entre ce type et mon chien j'me demande de qui j'suis le plus proche

Je suis riche, ils veulent me faire croire que c'est une honte
Comme si j'étais responsable de toute la misère du monde
Moi j'dois rien à personne, même si l'argent vient à manquer
Ils veulent tous goûter aux fruits de l'arbre que j'ai planté

Je suis malade, mais j'préfère dire futur soigné
Mes pupilles fixent l'aiguille d'la montre qui brille sur mon poignet
A l'étroit dans mon corps, j'regarde le monde par le trou d'la serrure
Les gens diront que j'n'ai fait qu'agrandir celui de la sécu'

Je suis croyant, on me reproche souvent de l'être
On me reproche ma barbe pourtant j'ai la même que Jean Jaurès
On me compare à des barbares, auquels je n'ai jamais cru
Les mosquées sont trop petites alors parfois j'prie dans la rue


Je suis un peu perdu, mes p'tits poumons se remplissent d'air
Nouveau venu sur Terre, mes premières larmes déclenchent celles de mon père
Une chance, au près de ma famille j'me sens à ma place
Mais je n'oublie pas qu'j'aurai pu naître dans la chambre d’en face

Je suis seul, au fond d'un couloir on m'demande pas mon avis
J'ai pris de l'âge donc voilà j'ai bien plus de rides que d'amis
J'aimerais partager mes erreurs, vous faire part de mes doutes
Parfois j'me parle à moi même pour être sûr que quelqu'un m'écoute

Je suis épuisé, mais plus pour longtemps j'en suis sûr
Les sonneries d'téléphone, la pression ont élargi mes blessures
J'me souviens pas d'la date de mon dernier fou-rire
Je suis un homme, bientôt je serais un souvenir

Je suis enfin là, cette ère n'est plus un mirage
Je suis arrivé par bateau mais surtout par miracle
Une nouvelle vie m'attend ici, bien plus calme et plus stable
Ce matin j'ai écrit tout va bien, au dos d'la carte postale

Je suis fier, mais comment vous décrire tous c'que j'ressens
Quand je marche en ville de moins en moins de gens me ressemblent
Dans l’ascenseur, j'parle même plus la langue de ma voisine
A force d'planter des arbres, y'aura plus d'place pour nos racines

Je suis fatigué, mal au dos et mal aux reins
Les rides sur mon visage me rappellent les montagnes de la où j'viens
On m'a menti, et c'est trop tard que je l'ai compris
On dit qu'c'pays n'est pas le mien alors qu'c'est moi qui l'ai construit

Je suis assis, et le destin a fait que j'me relèverai jamais
Dans cet océan j'ai l'impression d'avoir toujours ramé
Un casse-tête pour monter dans l'bus, aller au taf, passer leur porte
Souvent les gens me regardent et me répondent que c'est pas de leur faute

Je suis heureux, jeune diplômé, esprit bétonné, j'ai étonné
Ceux qui rêvaient d'me voir abandonner
Ma famille est loin d'ici, j'espère que là-bas ils sont fiers
Je viens d'gagner le combat qu'avait commencé ma mère

Je suis confiante, j'regarde ma classe un peu trop pleine pour moi
Et j'leur tiendrais la main jusqu'à c'que la réussite leur ouvre les bras
J'ai compris que parfois, les adultes sont pommés
Parce que les plus grandes leçons c'est eux qui m'les ont donnés

Je suis énervé, dans mon quartier on s’ennuie loin d'la ville
On écrit, on prit, on crie et j'ai des amis qui deal
Mon grand frère est au chômage, mon pote se fait 5000 par mois
Au collège c'est le bordel, bientôt j'devrais faire un choix

Je suis loin, c'qui s'passe chez moi n'intéresse pas grand monde
Pour les autres on vit un rêve, pourtant souvent on tourne en rond
Tout est cher, avec le continent y'a comme une latence
La plage, les palmiers mais moi j'suis pas en vacances

Je suis discrète, mon père m'a dit de ne pas faire de vagues
Ma religion, un phare guidant mes pas depuis qu'j'ai mis les voiles
C'est drôle qu'ils me surveillent, et qu'ils fassent tout pour
Me donner une leçon en m'empêchant d'aller en cours

Je suis inquiet, envers ma foie beaucoup d'regards hautains
J'reçois des leçons par des types qui ne font rien pour leurs prochains
L'Humanité n'a plus d'coeur, j'vois l'monde qui tourne et qui change
Et je suis triste de voir qu'y'a de moins en moins d'gens le dimanche

Je suis amoureux, et je vois pas qui ça regarde
A part moi et celui avec qui j'partage mon lit le soir
Je l'aime, on slalome entre les insultes et les blagues
Dire qu'y'a peu de temps j'n'avais pas le droit de lui offrir une bague

Je suis oublié, mes fins de mois se font sur l'fil
C'est devenu rare d'aller au resto' ou d'aller voir un film
J'suis suis qu'un chiffre, qu'un vote, une statistique, un point d'plus dans la foule
Moi j'suis juste né ici, et j'ai l'impression qu'tout l'monde s'en fou

Je suis un rendez-vous, un hasard, un match de foot, un mariage, une manif', un anniv', une accolade, une bagarre, une scène de crime, un jugement, un gosse qui rit, une erreur, une montagne enneigée, je suis la pointe d'la plume d'un auteur

Je suis les pleurs d'un départ, je suis la chaleur des bars
Je suis une saveur 5 étoiles ou bien le gras d'un kebab
Les flemmards, les couches-tard, les lèves-tôt
Les râleurs, les regards dans l'métro
Un oncle raciste, un concert vide, la crise, la déprime qui ressert l'étau

Je suis l'excellence, l’élégance ou l’espérance d'une naissance
Ces campagnes dans l'silence, ces grandes villes immenses et denses

Je suis un peu de moi et beaucoup des autres quand j'y pense
Je suis, la France