Guillaume Apollinaire
Les moutons noirs
Les moutons noirs des nuits d’hiver
S’amènent en longs troupeaux tristes
Les étoiles parsèment l’air
Comme des éclats d’améthystes
Là-bas tu vois les projecteurs
Jouer l’aurore boréale
C’est une bataille de fleurs
Où l’obus est une fleur mâle
Les canons membres génitaux
Engrossent l’amoureuse terre
Le temps est aux instincts brutaux
Pareille à l’amour est la guerre
Écoute au loin les branle-bas
Claquer le drapeau tricolore
Au vent dans le bruit des combats
Qui durent du soir à l’aurore
Salut salut au régiment
Qui va rejoindre les tranchées
Dans le ciel pâle éperdument
Sur lui la victoire est penchée
Mon cœur embrasse les deux fronts
Fronts de Toutou front de l’armée
Ce qu’ils ont fait nous le ferons
Au revoir ô ma bien-aimée