Hippocampe Fou
Jeunes mariés
Un an : noces de papier
Sur lequel s'inscrivent des mots qui défient le destin
"Je t'aimerai toujours, notre histoire est sans fin"
Deux ans : noces de coton
La face démaquillée à l'aide de dissolvant
Notre personnage délavé s'oublie délicatement
Trois ans : noces de cuir
Notre sexualité sagement débridée nous pousse à apprécier la fessée
La recevoir ou la donner, redécouvrir les plaisirs de l'autorité
Cinq ans : noces de bois
En piètres artisans, nous sculptons nos corps imprudemment
Observer nos enfants pousser trop rapidement
Dix ans : noces d'aluminium
"Un sandwich pour papa, un sandwich pour maman
Pourquoi chacun pique-nique t-il de son côté ?" s'interroge l'enfant
Treize ans : noces de dentelles
Nos corps implosent l'espace d'un irréel orgasme
Notre cœur a failli s'arrêter de battre lors de cette fusion, nous étions en phase
Nos lèvres encore tremblantes balbutient cette phrase
Et dire que nous avons failli perdre ce désir
Le plaisir suffit à nous faire dire : "Je t'aime"
Vingt-cinq ans : noces d'argent
Il n'y en a plus, plus d'amour non plus
Le string, ça n'fonctionne plus, les bas non plus
Il n'y a plus de haut, tout est plat
Un couple fauché : voilà tout c'que j'vois
"Les enfants sont grands, profitons en
Divorçons pendant qu'il est encore temps
Que chacun redémarre une vie
Détachons-nous de ce fil si fin qui nous relie
Quittons-nous cette nuit"
Cinquante ans : noces d'or
Sentir la peur de se retrouver seul, envahir notre corps
Le veuvage est bien plus angoissant que la mort
Réaliser que la personne qui nous connaît le mieux ne connaître jamais tous nos secrets
Ce compagnon de fin de vie ne nous a jamais été aussi cher qu'aujourd'hui, c'est vrai
La fortune est venue, tant mieux pour la famille
Ne vivre qu'à travers sa descendance
Voir ses petits-enfants jouer aux billes
Se rappeler qu'on été assez bon dans son enfance
Fixer du regard la personne qui jouissait parfois au même instant que nous
La regarder et se dire : "Mais qui est cette créature aux cheveux de cendres ?" Curieux miroir, loin d'être doux
Soixante ans : noces de diamant
"Une couche pour papy, une couche pour mamie", et puis, plus qu'une couche
Oubli glacial de la peau d'un corps qu'on touchait, qu'on aimait
Nos doigts plein de rhumatismes ont oublié
Dans la maison de retraite, pleurer fort
En respirant l'odeur acre des détergeant dissimulant celle de la mort
Se taper des ancêtres atteints d'Alzheimer
Des anciens prêtres ou des bonnes sœurs
Jouer à cache-cache avec les infirmières
Croire qu'aujourd'hui c'était hier
Et puis oublier, tout oublier
Soixante-dix ans : noces de grâce
Arrêter