Lucio Bukowski
Not’ville
[Intro]
Nous avons un problème d'eau dans le sous-sol lyonnais, et si nous creusons des souterrains trop hauts ils coûtent trop chers, par conséquent ils faudraient qu'ils soient plus bas qu'celui d'Paris, et plus large...

[Couplet]
Anto Bukowski, Lucio Serra...
Pour vous, notre ville c'est une découverte, pour nous c'est du déjà vu
Un sale sky de douze ans d'âge, un breuvage qu'on a déjà bu
Là où dans tous les quartiers, des p'tites canailles charbonnent
La canicule d'l'été fait fondre le glacier de Nardone
Ma ville, tu la trouves bonne, mais en faisant plus ample connaissance
Tu t'aperçois qu'c'est l'indigente, dénuée d'reconnaissance
Elle s'endimanche comme une pute, et elle te traitera de la sorte
Racolant au confluent du Rhône et de la Saône
Ma ville engloutit tout, tous s'en vont dans son puits sans fond
Les vivants y rodent et trop nombreux demeurent sans ronds
Mais peu s'en font, veulent le fric comme un caïd rital
Pourquoi crois tu qu'pour réussir, ils prennent d'assaut la capitale ?
Ma ville te plante la plante des pieds, jardin des plantes sans pétales
Mais certainement pas sans épine, qu'elle multiplie mais sans les tables
Ma ville s'essouffle et souffre d'un souffle au cœur sans égal
Dissimulant ses morts au fin fond de ses dédales
Notre ville, un imaginaire où durant quatre saisons j'hiberne
Patrie de déracinés, mauvaises herbes et dieux s'y perdent
L'air froid d'une reine et les apparats d'une fille de joie
Dissimule ses quartiers populaires sous des fils de soie
Ma ville déçoit, plein d'vide de sens
Comme une envie d'descendre un pack de six cul-sec
Naissance d'un squat dans un p'tit square d'Cusset
Traîne sans un centime, de Saint-Pri' à Paul Santy
Cogne entre mes tripes tandis que cœurs et morceaux d'heures s'empilent
[Ma ville : ma vie, ma vile manie m'anime, m'a dit :]
"Fuis d'ici avant qu'la rime t'abîme"
C'est juste des plats dès qu'la réalité ramène au sol
La où chaque mur porte une cicatrice aérosol
Notre ville antique, entartrée, anthracite
Ma ville une lourde cuite qui nous laisse le ventre acide
Elle a la tronche du condamné fumant sa dernière cigarette
L'élégance de Joyce et la triste fin de Syd Barrett
Ma ville c'est un mélange de skate, de rap et d'aéro'
Là où chaque jour, j'ai une grande pensée pour Zaïro
Ma ville c'est un mystère, d'la fiction on est tout près
Y'a des scènes tellement étranges qu'au montage on les couperait
Notre ville c'est un couperet, aux milles façades bien aiguisées
Un vagabond ronflant sur un banc histoire de dégriser
Ma ville : une hémorragie, une petite plaie qu'on croit drôle
Sale comme une orgie est ma cité des Trois Gaules
Notre ville : un Cocyte, laissant fous et damnés en sang
Le dur visage du réel massacrera tes rêves d'enfants
Ma ville, c'est une fille perdue aux mamelons trop courbés
Bien plus proche d'une poutrone que Madelon d'Laurent Mourguet
Notre ville s'effondrera sur elle-même comme Jéricho
Les prophètes sont pas causants, des ruelles aux comicos
Le braquage et la praline : nos spécialités locales
Une belle lame en silex s'enfonçant dans tes cordes vocales
En 80, tête d'affiche en France
Première aux JT quand Vaulx et Vénissieux entraient en transe
Notre ville : une folie féline, animalerie à ciel ouvert
Vient s'élever, repousser le vent des stars aux souliers de vair
Notre ville : un ciné muet entre Keaton et faits divers
J'te parle d'notre ville, là où tous les frères n'sont pas qu'des lumières
Ma ville une vulgaire piquette, du Côte-Rôtie pour Gnafron
Un nauséeux tourniquet à la sortie des mâchons
Ma ville c'est un guignol gauche dissimulant un facho
Là où les mecs ont des facultés même sans bachot
Ma ville se décante que dans les rêves à force d'insomnie
Le toxico des pentes cherche éperdument sa Virginie
Ma ville est une vicieuse, une pleurnicheuse sans mouchoir
Une économique capricieuse, une souterraine sans bougeoir
Ma ville a plus de mille façons d'faire renoncer un samouraï
Ma ville une petite amourette, pour ses beaux yeux, on s’amourache
Ma ville elle a quelque chose fendu au fond de son regard
Un gros caillou à la place du cœur et l'air hagard
Deux collines comme une belle poitrine se soulevant sur l'abîme
Adorée comme une déesse, car après tout, c'est notre ville