Gaël Faye
A-France
[Couplet 1]
Mon arrivée en France, y'a bien longtemps
Depuis que j'crois plus en l'ONU, depuis que j'crois plus en l'OTAN
Maintenant j'ai vingt ans et quelques poussières
Et j'repense à l'Afrique où nous étions encore hier
On a grandi là-bas au bord du lac Tanganyika
Et moi je supporte ici, tant que là-bas y'aura mes gars
Eh J-NO, Mucyo, Iris, Fabrice et les autres
Des potes comme vous j’vous assure j’en ai pas retrouvé d’autres
Et puis y’a eu Paris, maintenant j’l’appelle « Panam »
La pollution, les épiciers berbères et leurs mauvaises bananes
Ici c’est grecs, mac do, la pluie, le froid, les flaques d’eau
Métro boulot dodo, la place Vendôme et les clodos
Mais j’m’habitue, j’aime mes baskets et mon bitume
Et comme j’veux faire fortune, au mois d’août j’me fais des thunes
J’suis solitaire et des fois je sors la plume
J’suis pas rappeur, juste un virevolteur de mots pleins d’amertume

[Refrain]
L’AFRANCE est l’asile, l’absence et l’exil
Souffrance mais par pudeur faut pas que je l’exhibe
Je vis loin des mes rêves, de mes espoirs, de mes espérances
C’est ça qui me tue d’être écartelé entre Afrique et France

[Couplet 2]
Mon père chasse le croco, ma mère met du lait d’coco
Ici je suis franco-rwandais j’vais pas vous faire un topo
J’ai quitté le pays et sa situation sinistre
J’m’étais promis, ben qu’un jour je deviendrai ministre
Mais j’ai grandi, j’ai pas d’plan pour le Burundi
J’continue d’espérer, les frères c’est pas ce qu’on avait dit ?
J’ai revu Buja, elle a plus le même visage
C’est devenu une ville sage et tous les jeunes veulent un visa
Des fois j’me demande si j’ai un devoir envers l’Afrique
J’pourrais fermer les yeux, une femme des gosses et garder mon fric
Problème existentiel de nos délires névrotiques
De ma vision romantique, j’veux faire naître un nouveau type
Car j’fais partie de cette diaspora de cette jeunesse
Qui a quitté le pays pour faire recette
Mais j’men rends compte, qu’on est trop con
Qu’on gâche nos vies et que l’Europe devient notre cocon
[Refrain]

[Couplet 3]
Tu te rappelles nos grands-pères aimaient leur terre et leur bétail
Et nous les fils on se perd dans les guerres et les batailles
Ma mémoire se paralyse, et ma peine se cautérise
Des machettes qu’on aiguise, de tous nos morts dans nos églises
J’oublie pas que l’exil c’est comme une porte d’exit
Je crie mes origines car c’est comme ça que j’existe
Trop de larmes ont coulé, beaucoup de textes j’ai gribouillé
Maintenant je regarde le soleil sur le lac d’une plage de Kibuye
Petite sœur tu prends la ligne pour les milles collines
Embrasses bien les cousins, embrasses bien les cousines
Et puis embrasses aussi la grand-mère à Butare
Dis lui que chaque année que je passe loin d’elle me rend plus taré
Et si tu prends le bus Vénus pour Bujumbura
Fais gaffe à toi, aux embuscades à Bugarama
Embrasse papa qui est resté au pays
Dis lui qu’en France je ne grandis plus, dis lui que je vieillis

[Refrain]