Georges Brassens
Stances à un cambrioleur
Prince des monte-en-l'air et de la cambriole
Toi qui eus le bon goût de choisir ma maison
Cependant que je colportais mes gaudrioles
En ton honneur j'ai composé cette chanson

Sache que j'apprécie à sa valeur le geste
Qui te fit bien fermer la porte en repartant
De peur que des rôdeurs n'emportassent le reste
Des voleurs comme il faut c'est rare de ce temps

Tu ne m'as dérobé que le strict nécessaire
Délaissant, dédaigneux, l'exécrable portrait
Que l'on m'avait offert à mon anniversaire
Quel bon critique d'art, mon salaud, tu ferais!

Autre signe indiquant toute absence de tare
Respectueux du brave travailleur tu n'as
Pas cru décent de me priver de ma guitare
Solidarité sainte de l'artisanat

Pour toutes ces raisons, vois-tu, je te pardonne
Sans arrière pensée après mur examen
Ce que tu m'as volé, mon vieux, je te le donne
Ca pouvait pas tomber en de meilleures mains

D'ailleurs moi qui te parle, avec mes chansonnettes
Si je n'avais pas dû rencontrer le succès
J'aurais, tout comme toi, pu virer malhonnête
Je serais devenu ton complice, qui sait?
En vendant ton butin, prends garde au marchandage
Ne vas pas tout lâcher en solde au receleurs
Tiens leur la dragée haute en évoquant l'adage
Qui dit que ces gens-là sont pis que les voleurs

Fort de ce que je n'ai pas sonne les gendarmes
Ne te crois pas du tout tenu de revenir
Ta moindre récidive abolirait le charme
Laisse moi je t'en pri', sur un bon souvenir

Monte-en-l'air, mon ami, que mon bien te profite
Que Mercure te préserve de la prison
Et pas trop de remords, d'ailleurs, nous sommes quittes
Après tout ne te dois-je pas une chanson?

Post-scriptum. si le vol est l'art que tu préfères
Ta seule vocation, ton unique talent
Prends donc pignon sur r'u, mets-toi dans les affaires
Et tu auras les flics même comme chalands