Genius Interviews
Jupiter Phaeton - Interview 2023
Jupiter Phaeton est autrice indépendante. Elle fait entrer ses lecteurs dans des univers de fantasy, d’urban fantasy mais aussi de feel-good, elle est connue pour ses fins à suspense, d’où son surnom « d’autrice machiavélique ». Ses titres se classent régulièrement à la première place de toute la boutique Amazon Kindle France. Elle dédie également une partie de son temps pour aider les auteurs à vivre de leur plume. Notamment via Amazon KDP qu’elle maîtrise sur le bout des doigts.

Commençons par la présentation : quel âge as-tu et dans quelle région vis-tu ?
J’ai 30 ans, j’ai déménagé en Dordogne, près de Bergerac, au fin fond de la France, en septembre dernier.

D’où vient cette passion pour les pandas ?
Eh bien en fait, je ne suis pas spécialement passionnée par les pandas. Je fais régulièrement ce que j’appelle des « névroses de l’internet ». Quand un sujet titille ma curiosité, je fonce lire tout ce que je peux dessus pour répondre à mes interrogations du type « combien de poils y a-t-il sur un ours polaire ? » ou encore « pourquoi les pandas mangent des bambous ? ».

Pour le coup, les pandas, c’est parce que je faisais des recherches sur les ours, pour une scène spécifique du tome 1 de Kacy Matthews. J’ai alors découvert que dans la famille des ursidés (les ours), il y a… les pandas ! Eh oui, les pandas sont des ours, chose que j’ignorais alors. De fil en aiguille, j’ai commencé à dérouler la page Wikipedia des pandas géants, j’ai appris plein de choses, notamment qu’ils mangent vingt kilos de bambous par jour. Dingue, hein ? (oui ok je suis la seule à m’émerveiller de ce fait)

J’ai donc décidé que si un jour il y avait pénurie de bambous sur la planète, les pandas deviendraient des tueurs à gages, parce qu’ils seraient grave en manque de bambous, tu vois ? Ils tomberaient du côté obscur de la force. J’ai donc inventé l’expression « Nom d’un panda sans bambou ! » et je l’ai intégrée à la série Archibald Skye.

Depuis, tout le monde pense que je suis extrêmement passionnée par les pandas. Je les aime bien, ils sont trop choupis, hein. Mais non, je ne suis pas passionnée par les pandas ! Je suis juste passionnée par… tout.

Tu as renoncé à un CDI pour te lancer dans l’écriture. Qu’est-ce qui t’a convaincue de sauter le pas ?
Je savais que je voulais devenir écrivain et que je voulais en faire mon métier. Je me suis dit que je ne me donnais pas toutes les chances tant que je n’essayais pas de faire ça à temps plein, alors j’ai tenté ma chance ! Je préférais essayer, quitter à me planter, que de me poser la question toute ma vie : « et si j’avais essayé ? ».

Beaucoup d’écrivains amateurs hésitent à se lancer à plein temps car l’écriture, c’est bien connu, ne paie pas. Tu démens ce principe car tu réalises aujourd’hui un chiffre d’affaires très important. Mais au début, comment as-tu fait pour sécuriser le plan financier ?
J’ai drastiquement diminué mon train de vie, j’ai vendu tout ce dont je n’avais pas besoin ou dont je pouvais me passer. J’ai emprunté de l’argent avant de quitter mon CDI pour pouvoir voir venir, je me suis donnée six mois pour essayer.

Il y a une entreprise qui me démarchait activement depuis quelques temps pour me débaucher. J’ai été très ouverte en entretien avec eux en leur expliquant que je voulais essayer d’être écrivain à temps plein, que si je n’y arrivais pas, je viendrais frapper à leur porte dans six mois, je savais qu’un job m’attendait là-bas si jamais je ne m’en sortais pas.

L’idée était donc la suivante : j’avais six mois pour générer des revenus avec l’écriture. Si je ne générais rien : j’allais prendre le CDI qui m’attendait. Si je générais un peu, mais pas assez : je comptais prendre un job au Starbucks du coin, quelque chose proche d’un mi-temps, pour pouvoir compléter mes revenus si besoin. Si j’y arrivais : eh bien plus besoin de retourner au salariat…

J’avais aussi un colocataire et une meilleure amie formidables, prêts à m’aider financièrement si besoin.
Quelles méthodes de communication as-tu utilisées pour trouver tes premiers lecteurs ?
Aucune…

J’ai démarré comme une novice, j’ai ouvert mon blog après avoir publié mon premier roman, pareil pour mes réseaux sociaux. Je pense que mes premiers lecteurs sont venus à moi parce que j’étais la seule publication de la semaine dans ma catégorie, du fait que nous étions au début du mois d’août. Les gens publient plutôt en septembre par exemple, ou avant le début des vacances. En août, c’est plutôt le calme plat, ce qui faisait que j’étais la seule nouveauté du moment.

Ensuite, je me suis appuyée sur les réseaux sociaux pour communiquer avec les potentiels lecteurs et j’ai envoyé des services presses.

Tu disais dans un article que le monde du livre te paraissait bloqué au siècle précédent. Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Alors je précise que je parle pour le monde du livre en France, pas au niveau mondial. Et puis j’ajoute que tu viens d’ouvrir la boîte de Pandore (rire).

Rien que quand on entre dans une librairie, les rayons sont toujours rangés de la même manière qu’il y a des dizaines d’années de ça : par genre et par ordre alphabétique en fonction du nom d’auteur. Je ne sais pas pour toi, mais moi, quand j’entre dans une librairie, je viens souvent pour découvrir des titres. Je ne connais pas le nom de l’auteur et les seules découvertes que je peux vraiment faire, à moins de vouloir prendre un par un les livres dans les étagères, ce sont celles que le libraire met en avant.

Pourquoi est-ce qu’on s’obstine encore à classer les livres selon une codification établie il y a fort longtemps, avant l’ère numérique ? Du coup, si je cherche, par exemple, un livre sur les dragons, je ne peux pas le trouver par moi-même. Tandis que si je tape « livre dragon » dans la barre de recherche d’Amazon, on me trouve tout de suite plein de romans. Même les genres sur Amazon sont beaucoup plus fins, ce qui te permet de vraiment identifier la catégorie qui te convient et d’aller piocher dedans. Alors, je sais qu’aux yeux de plein de gens, Amazon est le grand méchant de l’histoire du monde du livre. Mais ils réussissent, les gens y retournent, ils en redemandent, c’est qu’ils y trouvent leur compte, non ?

Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qu’ils font et essayer de le retranscrire en librairie ? Plutôt que d’avoir des classifications par genre, on pourrait avoir des classifications comme « dragon », « aventures de l’égypte ancienne », « vampires », « sorciers »… Et faire des animations à thème tous les mois sur un mot clé spécifique. Reprenons l’idée de dragon : on pourrait faire un mois à thème sur les dragons et mettre en avant tous les livres qui parlent de dragons. Les fans d’Eragon, par exemple, seraient sûrement ravis de découvrir d’autres titres similaires. Je reviendrais volontiers dans une librairie qui change de thème régulièrement, pour découvrir de nouveaux titres.

Et là, je ne te parle que du classement des livres en librairie, si je me lance sur les maisons d’édition… je vais t’écrire tout un roman. Mieux vaut que je m’arrête là.

Et que proposerais-tu pour le moderniser ?
Comme indiqué au-dessus, on peut déjà s’inspirer des modèles qui fonctionnent. On peut interroger le lectorat, pour mieux comprendre ce qu’il attend quand il entre dans une librairie. Je pense qu’il faut se renouveler. C’est comme si le monde du livre n’avait pas pris le virage des années 2000 en France et qu’il était resté dans son conservatisme. « C’est comme ça que ça fonctionne depuis des années, pourquoi changer ? », c’est l’impression que ça me donne.

Mais la génération qui lit a changé (elle lit de moins en moins d’ailleurs, faut-il se remettre en question à ce sujet aussi peut-être ?), les habitudes de consommation ont changé, la manière dont on s’informe sur les livres a changé. Les gens vont volontiers sur Instagram en quête de la communauté bookstagram pour savoir quelle sera leur prochaine lecture. Or, comment fonctionne Instagram ? Par #, on revient à cette histoire de mot-clé également…

Tu prévois un déménagement aux Etats-Unis ! Est-ce lié à l’écriture ?
Oui et non : je suis en train de faire traduire mes romans pour les proposer sur le marché anglophone, ce sera donc plus simple d’assurer la promotion des titres en étant basée aux Etats-Unis.
Mais je suis aussi tombée amoureuse d’un coin de paradis là-bas la dernière fois que j’y étais. C’était comme si là-haut (c’est dans les montagnes), avec les lacs d’altitude, je respirais tout à coup mieux que jamais. Je me suis dit que c’était là que je voulais vivre (peut-être que le fait qu’il y a plein d’ours joue aussi hahaha, je serai parmi des congénères !).

Qu’est-ce que tu préfères dans l’écriture ?
Inventer la trame, bien sûr.

Parce que c’est génial de créer un univers, des personnages et de te dire « tiens là je vais les mettre grave dans la merde, on va voir comment ils vont s’en tirer ! » (oui, je suis une autrice sadique et machiavélique). Et ensuite, j’adore écrire les dialogues, je me marre toujours quand mes personnages racontent n’importe quoi.

Et qu’est-ce que tu aimes le moins ?
Le moment où il faut corriger et relire… ah c’est un travail de titan, long, laborieux, mais qu’il faut faire ! Heureusement, j’ai une formidable correctrice et des bêta-lectrices en or qui m’aident beaucoup pendant ce processus.

Tu es très entourée (assistants, correctrice graphistes, traducteurs, etc.) et tu dis souvent que ton équipe compte pour beaucoup dans ton succès. Comment t’y prends-tu pour choisir les bonnes personnes ?
Je choisis généralement des gens que je connais déjà ou avec lesquels j’ai une relation. Je ne choisis pas en fonction des compétences des gens (même si c’est important, mais je suis persuadée qu’on peut apprendre ce qu’on veut si on est motivé et progresser, ce que je veux dire c’est que je ne choisis pas le meilleur dans tel domaine), plutôt en fonction de la confiance que je leur accorde et de leur envie de s’améliorer.

J’aime les relations qui vont sur le long terme, pas les personnes qui vont bosser avec moi une fois et que je ne verrai plus ensuite. J’ai envie d’une vraie relation avec les gens avec lesquels je travaille : je dois leur apporter autant qu’ils m’apportent. On se challenge mutuellement, on est dans des relations ouvertes, sans jugement, où tout le monde peut donner son avis et son opinion.

Je travaille avec des freelances, ce qui fait que nous bossons tous avec beaucoup d’autonomie. Je demande aux personnes avec lesquelles je travaille régulièrement (au quotidien ou au moins avec lesquelles j’ai une interaction toutes les semaines) quels sont leurs objectifs, sur quoi ils ont envie de travailler et comment est-ce qu’on peut faire pour avancer dans cette voie, parce que je suis persuadée que savoir ce qu’ils veulent est important pour moi aussi, ça me permet de leur confier des missions qui leur plaisent, d’avoir de nouvelles idées en lien avec ce qu’ils veulent et parfois de les accompagner vers leurs propres objectifs, de la même manière qu’ils m’accompagnent vers les miens.

Même si c’est moi la « cliente », je suis du genre à penser que c’est un partenariat. Je crois que c’est ce qui fait la force de l’équipe au global, mais il faudrait leur poser la question directement pour vérifier :).

Tu mènes des tas de projets en même temps ! Comment fais-tu pour t’organiser et choisir tes priorités ?
Ah c’est très facile : je ne me rajoute aucun projet que je n’aurais pas le temps de gérer. Je priorise en fonction de l’avenir et de ce que je veux à long terme. Si je me retrouve avec trois choses à faire en fin de journée et le temps pour n’en faire qu’une seule des trois, je choisis immédiatement celle qui sert mes objectifs à long terme ou qui est ma priorité du moment.

Malheureusement, il n’y a pas d’astuces pour établir ses priorités : c’est quelque chose qui résonne en nous. Pour moi c’est : écrire, m’occuper de mes chiens et aider les autres.

Oh il y a quand même une astuce formidable : la délégation.
Tu prévois d’aller à la rencontre de tes lecteurs en 2020, ce que tu n’avais pas fait jusqu’à présent. Qu’attends-tu de ces rencontres ?
Du partage, des sourires, de la bonne humeur. J’ai envie d’entendre les rêves des lecteurs, de les écouter et de leur partager un peu de ma bonne humeur. Je réponds volontiers à leurs questions.

J’ai aussi envie de leur montrer que je suis humaine (parce que bon, tout le monde croit que je suis Terminator) et que s’ils aspirent eux aussi à devenir écrivain, c’est possible. D’une manière générale, je pense qu’on peut réaliser ses rêves et c’est ce que j’ai envie de montrer aux lecteurs.

Je suppose que Jupiter Phaeton n’est pas ton vrai nom. Pourquoi as-tu décidé d’adopter un pseudonyme et comment l’as-tu choisi ?
J’étais en pleine névrose sur la planète Jupiter. Phaeton signifie également Jupiter en fait. Mais « Jupiter » tout seul, ça faisait très prétentieux, alors j’ai voulu rajouter un nom de famille, mais je ne voulais pas faire de compromis sur la signification.

J’écoutais aussi en boucle Drops of Jupiter de Train à ce moment-là, ça a sûrement joué...

Puisque tu es très douée pour réaliser tes rêves, à quand une adaptation de tes romans en film ou en série ?
(Rire). Je ne suis pas si je suis douée, mais je crois que je suis très persévérante. Je ne sais pas quand il y aura une adaptation en film ou en série d’un de mes romans, c’est effectivement un projet que j’aimerais mener à bien, mais qui à mon humble avis, ne verra pas le jour avant au moins trois ans, au mieux !