Ludovico Einaudi
La Faim du Loup
Une lettre à l’être disparu
Parce que je reste, que mes mots luttes
Contre ma tête et les minutes
Lorsque les gestes ne suffisent plus
Dis comprends-tu que le temps tue ?
J’ai du me battre comme un pit'
Montrer les crocs contre des types
Qui auraient pus être mes potes
Mais l’homme se butte pour un peu d’or
J’me méfie plus de l’eau qui dort
Depuis qu’au détour d’une rue étroite
Dans l’noir, je crois que j’ai croisé Lucifer
J’pensais à toi, quand j’ai entamé la discute
Et lui m’a dit qu’malgré ta chute, tu n’étais pas tombé si bas
Et qu’il savait d’après ton hôte que tu avais connue la grâce
Moi j’restai là des heures durant, regard figé sur le passé
Quand j’aurai du t’courir après, mon souffle manquait d'endurance
Le corps engagé dans la masse
Et l’âme entassé sous la crasse
J’étouffais dans cette ambiance rude
Dans la cohue pour avancer
J’ai tout fait sur une pente abrupt
J’essai, putain j’te jure crois-moi j’essai
Mais je rechute chaque fois qu’j'y vais
Est-ce moi la brute ou toi la pute pour m’avoir laissé seul en rut ?
Moi qui n’était qu’un pauvre fou voulant rester sourd à l’amour
Toi qui a su dompté le loup, pourquoi avoir quitté ma route ?
Tant de questions que tu as laissé sans réponses
Sans rémission t’as plongé mon coeur dans les ronces
Dans mon errance j’hurle à lune
Sans ta présence et sans une thune
J’porte mon fardeau et ma rancune
T'entends l’echo d’mon infortune
S'perdre dans la brume sur le bitume
Et même d'ici je t’importune
Pardonne-moi si parfois l’soir j’en emporte une
Encore plus si comme toi elle était brune
Mais j’ai encore quelque lacunes
J’aime mieux ton sourire que mes livres
Toi t’aurai du m’apprendre à vivre
A danser, à être heureux sans être ivre
J’t’aurai appris à être libre, j’ai tant d’choses à t’faire découvrir
J’t’aurai fait écouter Mozart, ou bien Gainsbourg et puis Solaar
J’t’aurai fais lire un peu d’mon art, « une page d’amour » de Zola
Mais au lieu de ça toi t’es parti, t’es parti sans penser à moi
J’étais un loup au pelage blanc
Toi tu m’as fais sortir des bois
J’suis devenu gris sans sentiments
Et pour "à boire" maintenant j’abois
J’ai plus envie d’me prendre en main
Tu sais j’te hais quand tu me manques
J’voudrai plus jamais voir demain
Puisqu’aujourd’hui j’pense qu’à hier
J’écris ce texte face à la mer
Une plage déserte une nuit d'été
Cette fois y’a ni vagues ni rochers
L’eau est opaque et tout est calme
Moi j’bouffe ma langue et ferme ma gueule
La tête au sol je frappe le sable
Je sens des larmes sur mon crâne
Dis t’as déjà vu un loup pleurer ?
T’es-tu déjà dis que même la bête avait une âme ?
Je sens ce doux froid sur mon arme
Quand le canon sur ma fourrure
Viens pour soulager les coups durs
Qu’importe les drames et les coupures
Dites à la vie qu’je passe mon tour
Je n'en peux plus d’jouer sans toi
Une dernière fois entend ma voix
Mon amour, j’aurai aimé t’aimer toujours
[Outro]

Loup des steppes, je rôde, je rôde
De la neige partout dans le vaste monde
Le corbeau bat des ailes dans l’arbre
Mais nulle part une biche ni un lièvre
Les biches, j’en suis amoureux
Si au moins j’en trouvais une !
Je la prendrais entre les mains, entre les dents
C’est ce qu’il y a de meilleur au monde
Je l’aimerais de toute mon âme
Je mordrais sa tendre chair
Je m’abreuverais de son sang si rouge
Pour hurler, après, toute la nuit
Je me contenterais même d’un lièvre
Sa chair chaude est bonne, dans le noir
Ah ! ai-je donc tout perdu
De ce qui rend la vie un peu douce ?
Le poil de ma queue est tout gris
Ma vue, elle aussi, se trouble
Ma chère femme est morte depuis longtemps
Et je rôde et rêve de biches
Je rôde et rêve de lièvres
J’écoute le vent souffler dans la nuit d’hiver ;
J’abreuve de neige mon gosier brûlant ;
J’emporte ma pauvre âme au diable