Chiens de paille
Mille et un fantômes
Ma fille inanimée au sol
Visage de cire si gracile
Pupilles trop dilatées
Sur ses bras, des traces d’fixes
Le regard vide, ma femme ne réalise pas
Les images filent, larmes d’inanité, instant innommable nommé réalité
Mille et un fantômes de mes errances mentales, le petit jour entame
Mes élans fantasques, le présent reprend place
M’ livrant aux vents de glace
Les fenêtres me crachent la dure haleine
De cette ville, pour être sûres que je me rappelle
Mais ces blessures peinent à se fermer comme pour que je mesure la perte
Le train me ramène à de lointaines années et leurs heures amères
Quand la vie n’était pour moi, rien de plus que ma carrière
Le culte du labeur, entre putes et dealers, stup’ et mineurs, junkies, fouilles au corps
Tricolore jusqu’à l’os, costumes ordinaires, visage gris ordinaire
La France du R.P.R, tendance R.P.F, le cœur épris de justice, la tête pleine d’hier
Réac’ en R19 j’y croyais comme aux règles célestes, y jetait mes forces
Devint flic sans plaisir, respecté sans ami, j’étais vide sous l’écorce
Mon univers : interpellations de gens sans place qui à terme embrassent l’enfer
Étrangler les mecs pour pas qu’ils avalent et qu’on plaque à terre
Et tremper les mains dans leur merde pour voir ce qu’ils avalent, grammes ou amphét’
Ma vie de couple ressemblait à mon bureau : une place pour chaque chose, chaque chose à sa place
Des joies factices comme ces fleurs tapissées de regrets, jaunissantes affiches
Le temps s’y fige comme l’aigreur, chaque soir, côte à côte, on devenait si lointain, l’avenir, un vestige
On s’parlait de rien quand on s’parlait, s’écoutant, on souriait pour se cacher qu’on n’écoutait rien
Je gueulais que des ordres, c’était ma vie, gueuler des ordres
Ma femme se persuadait qu’elle était heureuse, reine de la contrée des ombres
Elle souffrait de s’raconter à personne, enviait ceux qui jouissaient de l’existence
Crevait que son monde se désole, chaque soir, le même épisode
J’niais l’évidence, je voulais rien entendre, y a pas plus sourd que celui qui ne veut rien entendre
Puis vint ce coup de téléphone, père ou mari c’était tout comme pour moi
Pas pour ma fille, overdose dans le square, j’ai fini d’être con mais trop tard

Dans l’square humide, d’la pluie, les rides d’la nuit, les ruines d’ma vie
Le Samu vient de finir, des mômes rient d’innocence, sur le banc, l’vomi
Héroïne addict, ma fille, sans bruit, part comme elle a vécu
Les bruits de la ville, déjà la vie poursuit et son souvenir aussi
A l’époque, j’vivais dans ma guerre, me voyais aussi brave qu’un brave
Je croyais changer le monde, vaille que vaille
Je rêvais, sur les plaques, de mon blase, mon histoire me navre
Hargne de naïf, difficile de raconter des étapes qui m’échappent déjà
Quand j’ai su, j’ai pas voulu le croire, coup de barre sur l’avenir le [?]
Un trou noir avec au bout, la vie, beaucoup de mal pour voir
Si j’avais pu la foutre en taule, j’l’aurais fait, je n’avais que mon regard de flic
Ne savait que ce que mon grade dicte, je l’ai parquée dans notre appart’ triste
Je pensais sauver sa vie avant qu’il ne soit trop tard
Le drame de l’histoire, c’était le fait qu’il soit trop tard qui la maintenait en quelque vie
Elle hurlait, ses entrailles brûlaient des feux du manque
L’enfer tient dans quelques mètres carrés, navré, j’en avais la preuve vivante
Elle avait troqué tout ce dont on fait quelqu’un, ces riens d’étoffes et d’écrins
Pour regonfler sa seringue, elle s’offrait le déclin
Me sommait de l’étreindre comme un père mais, trop con, j’ai jamais su
Sa mère tenait dans le silence, c’était plus sa fille, c’était plus sa vie
Dans ce corps infantilisé, je revoyais l’enfant assez tendre pour l’être
Vivant le long de son existence, j’ai jamais eu le temps pour elle
Un soir, sa mère lui a ouvert, elle a pris la fuite. Pour la suite ?
C’qui devait arriver arriva : overdose dans le square, voilà
Après y'a plus que la solitude et même pas le luxe de boire
Rien d’autre à savoir, j’ai fini d’être con mais c’est trop tard Paroles rédigées et expliquées par la communauté RapGenius France