TBD 2
Interview - Rapgenius X 1995 : Paris Sud Tour
En pleine tournée pour leur premier album "Paris Sud Minute", Fonky Flav, Sneazzy West & Hologram Lo', trois des membres de 1995, ont accepté de répondre aux questions de Rap Genius France lors de leur date à Brest. Nous avons pu aborder avec eux la tournée, l'album, leur image, et leur vision de la musique, ainsi que la teneur de leurs futurs projets !



RGF : Salut les gars. On va commencer par parler de la tournée, puisque c'est votre actualité. Comment se passe le Paris Sud Tour ?

Fonky Flav : Mortel ! Là on est à peu près à la moitié, on est contents. On découvre plein de villes dans lesquelles on n'est jamais allés. D'ailleurs on n'était jamais venus à Brest. On attendait beaucoup du show, parce qu'on a travaillé la scénographie différemment par rapport à la tournée précédente, et on a de bons retours pour l'instant

RGF : La prestation au Palais des Sports était une date importante dans la tournée : vous en faites quel bilan ?

Sneazzy West : C'était super ! Pour les gens, ça a été la meilleure date parisienne qu'on avait jamais faite

Fonky Flav : On a reçu tellement de messages... Après, pour nous, c'était un gros risque, puisqu'en moins de deux ans on a joué énormément à Paris. Maroquinerie, Bataclan, Olympia, Zénith... Et du coup les gens de Paris nous ont vus mille fois ! Donc quand ils te revoient, il faut que tu leur donnes un truc différent. Le Palais des Sports est une salle un peu spéciale, dans le Sud de Paris, avec beaucoup de places assises (même si les gens ne sont pas restés assis), et avec le décor. On a énormément aimé jouer là-bas. Il y a aussi eu une captation vidéo, donc ceux qui ont raté le show pourront le revoir à la télé

RGF : Le morceau "Souviens toi", qui raconte les expériences de votre tournée précédente, vous l'avez créé dans l'ambiance de la tournée ou plus tard en studio ?

Sneazzy West : Non, on l'a enregistré après la tournée en studio, comme tous les autres sons. Pendant la confection de l'album, en septembre et octobre 2012, on était encore en tournée, et on a enregistré le morceau à la fin de celle-ci. Même si on avait déjà imaginé le morceau pendant

Fonky Flav : Pour nous c'était un morceau important, puisqu'en 2012, on a été sur la route toute l'année. On a vécu des trucs de ouf, et on voulait laisser une trace

RGF : Vous avez amélioré votre show sur quels points ?

Fonky Flav : Franchement : tout ! Maintenant on a un décor sur scène, ce qu'on avait pas avant. Ce sont des gros blocs de deux mètres de haut, rétro-éclairés, qui donnent une nouvelle dimension au truc. On travaille aussi avec des professionnels, qui sont des experts chacun dans leur domaine : son, lumière...



RGF : L'année dernière, vous avez enchaîné la tournée et la sortie de l'album : est ce que ça veut dire que là, vous préparez déjà un nouveau projet ?

Fonky Flav : Non, chacun a ses projets. Et on commence à réfléchir au prochain album parce qu'on est tout le temps en activité, mais il n'y a rien de concret pour l'instant



RGF : Comment expliquer votre proximité avec votre public ?

Fonky Flav : Je sais pas s'il faut l'expliquer, mais en tout cas on la cultive. Parce que ça nous fait kiffer de rencontrer les gens qui nous soutiennent : c'est grâce aux personnes qui viennent aux concerts et achètent nos CD qu'on est là. En plus, nos fans nous suivent depuis le début. On a un public de ouf

Sneazzy West : À chaque fin de concert, on fait des séances de dédicace

Fonky Flav : Les gens nous demandent : "Mais ça vous fatigue pas trop ?". Mais pour nous c'est logique : les gens sont venus transpirer devant toi pendant une heure et demi, quand tu leur dis de lever la main ils ont levé la main, donc tu peux au moins aller les remercier à la fin

RGF : Justement, votre productivité, autant à travers les tournées qu'à travers les sorties fréquentes de sons inédits, elle est dans la nature du groupe, ou vous pensez juste que c'est indispensable pour rester sur le devant de la scène ?

Fonky Flav : Comme on est six, il y a toujours un gars dans le groupe qui a envie de faire quelque chose même si les autres sont pas trop chauds, et qui réussit à les attirer dans son délire. Le morceau "Fondation du Futur", qu'on a sorti hier [25 avril 2013, ndlr] par exemple, c'est un morceau qu'on avait fait depuis un mois et demi, deux mois, et on s'est dit que c'était le moment de le sortir. On a toujours des petits trucs sous la main

RGF : Et cette volonté de tout faire soi-même, de créer sa propre musique, ses clips, d'organiser sa tournée, son merchandising... C'est quelque chose que vous vouliez faire dès vos débuts dans la musique, ou c'est venu en constatant que l'industrie musicale ne vous apporterait pas ce que vous vouliez ?

Sneazzy West : On avait ce désir d'indépendance. Mais après, on ne critique pas forcément le système des majors et des maisons de disques. C'est juste qu'à l'époque on n'avait aucune proposition, donc on s'est dit qu'il fallait faire les choses de la manière la plus artisanale qui soit

Fonky Flav : Mais si quelqu'un était venu nous dire : "Les mecs, je vous paye un clip à 20.000 euros" pour "La Source", on l'aurait fait. Seulement personne nous a dit ça. Et ceux qui voulaient travailler avec nous à l'époque, il s'avère que c'était plus pour que nous, on leur donne 20.000 euros, que l'inverse. Donc on a préféré rouler notre bosse dans notre coin. Et au final, on s'est rendus compte que ce qu'on avait fait tout seuls n'avait pas trop mal marché. La première tournée, celle de "La Source", a été un succès alors qu'à l'époque on avait peu de promo. On allait dans des salles, et les organisateurs nous disaient qu'ils avaient des artistes majors qui remplissaient moins que nous, alors qu'ils étaient payés cher. Nous-mêmes on comprenait pas ce qu'il se passait ! Le public était tellement détèr', que quand on disait sur Facebook : "On est à tel endroit tel jour", boum la salle était remplie. Donc on a vu que ça marchait bien : on a continué, et monté notre propre label. Maintenant, on gère un peu toute notre économie

RGF : Vous êtes de plus en plus présents dans les grands médias comme M6 ou France 2 : ça vous saoule pas cette image de rappeurs "jazzys", "bons sous tout rapports", qu'on vous attribue quand vous y passez ?

Fonky Flav : Moi, je comprends pas les gens qui disent : "Ces médias-là ne connaissent pas le rap, ça pue, faut pas y aller". Parce que si t'y vas pas pour donner ta vision, alors jamais personne ne va montrer à tous les gens qui regardent ces émissions ce qu'est réellement le rap. Après, c'est clair que les médias où on est allés ne sont pas spécialistes du rap. Ce n'est pas leur passion. Mais si t'y vas pas pour dire que le rap c'est ce que tu fais, et pour le montrer avec ton clip, ils auront toujours cette image du rap que les médias aiment développer : "Le rap c'est un truc de caillera...". Donc c'est essentiel. Après, t'as toujours des clichés : "rap jazzy", pour moi, ça veut rien dire, par exemple. Mais tant que j'y vais, et que je peux dire ce que j'ai à dire tout en diffusant nos morceaux, nos clips, c'est cool !



RGF : Pouvez-vous nous expliquer la signification du titre "103" ?

Hologram Lo' : C'est simple : c'est le BPM de l'instru

Fonky Flav : Et il faisait à peu près 103 kilos au moment où il l'a sorti

Hologram Lo' : Et je le fais encore

RGF : Les deux sons totalement instrumentaux, "103" et "C'est ça notre vie", vous aviez décidé de les mettre dès le début de la confection de l'album pour mettre encore plus en avant le travail de Lo', ou ça s'est fait naturellement ?

Fonky Flav : "103", on s'était dit qu'on allait rapper dessus, mais on cherchait et on trouvait pas de thème. On kiffait vraiment l'instru, et on voulait pas se forcer à rapper dessus, donc on l'a laissée comme ça. Et "C'est ça notre vie", c'est l'outro de l'album. Moi, c'est un de mes morceaux préférés

Sneazzy West : On voulait que l'outro soit entièrement musicale. Et la prod' est tellement ouf, rien qu'avec la voix de AP, ça tue !

RGF : Quand vous avez fait le son "Réel", vous saviez que c'est celui que vous prendriez comme single ?

Fonky Flav : Oui, on le savait plus ou moins. Parce que quand on a reçu l'instru, on s'est directement dit qu'elle nous parlait, et qu'elle était assez ouverte. C'est pas une prod' hardcore, le piano est assez joyeux et fait bouger la tête direct. Donc on savait que le morceau pouvait potentiellement avoir une grosse portée. Au final c'est pas le premier single qu'on a envoyé, puisqu'on a d'abord sorti "Flingue dessus", mais on se doutait qu'il ferait partie des singles de l'album

RGF : Les sons type story-telling, qu'ils soient basés sur du fictif ou du réel comme dans "Pleure Salope", c'est un truc que vous pensez faire plus souvent ?

Sneazzy West : Si on a une prod' qui s'y prête et une bonne idée, pourquoi pas ! Mais on n'en sait rien, c'est guidé par la prod' : si on a envie de le faire on le fera, et si rien ne s'y prête on ne le fera pas

RGF : Donc les thèmes de vos sons vous viennent principalement en écoutant d'abord la prod' ?

Sneazzy West : Ouais, ça vient avec l'instru. Et après, c'est une réflexion de six cerveaux, des débats... Et quand on arrive à avoir un délire en commun, on fonce !

Fonky Flav : Après, on a toujours des petits bouts de textes qui traînent à droite à gauche qu'on peut réinjecter. Ou même des idées de thèmes qu'on a envie d'aborder un jour ou l'autre

RGF : Quels sont les prochains clips prévus ?

Fonky Flav : Il y a le clip de "Bla Bla Bla" qui arrive très très vite, c'est une question de jours. On a un peu chipoté sur la fin, parce qu'il y avait des petits détails à régler et à améliorer. C'est un clip qu'on a tourné à Los Angeles, donc c'était important que tout soit parfait, c'était un gros projet. Après, on réfléchit à d'autres clips. On n'a pas d'ordre précis, mais il y a encore quelques morceaux qu'on aimerait clipper dans l'album



RGF : Quels sont vos projets solos qui s'annoncent ?

Sneazzy West : Pour ma part, je travaille sur mon album, doucement mais sûrement. Nekfeu va sortir un album avec le S-Crew, le 17 juin

Hologram Lo' : Je prépare un EP avec Georgio, qui sort le 6 mai. Et un autre EP avec Areno Jaz

Fonky Flav : Alpha Wann prépare aussi des trucs de son côté. On est tous un peu à droite à gauche, mais on annonce pas trop de dates encore

RGF : Sneazzy, on avait entendu parler d'un rôle dans un film de Syrine Boulanouar, du collectif Le Garage : ça en est où ?

Sneazzy West : Ouais, c'est celui qui réalise la plupart de nos clips, et il a écrit un truc où j'ai le premier rôle, donc c'est cool ! Je vais m'essayer à cet exercice, je sais pas du tout si je suis bon ou pas. Si ça le fait, que j'apprécie le truc et que les gens kiffent, je continuerai peut-être à en faire. Sinon ce sera toujours une expérience !

RGF : Dans les festivals, on vous voit pas mal avec des artistes comme C2C ou Brigitte... Des collaborations hors-rap, ça vous dit?

Sneazzy West : Oui, pourquoi pas ! Après, sur un album 1995, comme on est déjà six, c'est dur d'ajouter quelqu'un. Une chanteuse sur un refrain, c'est plus facile, par exemple. C2C pour une prod', les Brigitte pour un feat...

Fonky Flav : En règle générale, des trucs hors-rap, c'est pas un truc qui nous bloque. C'est quelque chose qu'on kiffe, parce que c'est trop bête de se cantonner au rap tout le temps, d'aller uniquement dans des festivals rap, ou de faire des interviews uniquement pour des sites de rap. C'est une réflexion qu'on a directement balayée au début : partout où on peut aller, on va. Et si des artistes hors-rap qu'on kiffe nous proposent un projet qui musicalement nous plaît, on le fera direct, c'est clair et net !



RGF : Est ce que vous êtes allés consulter le travail de nos éditeurs sur "Paris Sud Minute" ?

Fonky Flav : Ouais ! Et quand on est allés sur France 2 dans On n'est pas couché, le chroniqueur en a parlé, d'ailleurs. Moi je kiffe ! Même si il y a toujours des erreurs, quoi qu'il arrive. Par exemple, quand j'ai dû écrire le texte de "Fondation du Futur" hier pour la description YouTube, la partie d'Areno Jaz, même quand il m'expliquait, je comprenais pas ce qu'il disait, tellement c'est parfois complexe. Donc je comprends qu'il y ait des erreurs, c'est totalement normal. Mais en tout cas, c'est chanmé de faire cet effort de transcription des textes, et ça permet à des gens pas forcément initiés de mieux piger certains trucs. Donc ça défonce ! J'ai même vu qu'il y avait des artistes qui bossaient directement avec vous, ça tue !

RGF : Un son que vous auriez aimé voir expliquer quand vous étiez plus jeunes, s'il y avait eu un Rap Genius ?

Sneazzy West : "Belsunce Breakdown" de Bouga : je comprenais rien du tout à l'époque. Maintenant, je comprends un peu plus, mais à l'époque c'était trop dur. Surtout que l'accent marseillais tue le truc

Fonky Flav : Moi les trucs du Beat de Boul : il y a des trucs où je pigeais vraiment que dalle. Avec les histoires de "ze" et tout, quand j'étais petit je comprenais pas. En plus ils parlent d'endroits que t'as jamais vus, tu sais pas de quoi il s'agit. Ou quand il parle de trucs business... Personne ne comprend ! Après, quand t'es petit, y'a plein de morceaux qui t'échappent complètement, et que tu comprends avec un peu plus de recul, plus tard. Donc il y a plein de trucs intéressants à expliquer !