La Canaille
La sueur des ombres
[Couplet 1]
Le Soleil frappe, cogne, intraitable
Le silence est de marbre sous l'arbre à palabres
Les jambes faiblissent, la gorge est sèche, ne pas penser
Ne pas fléchir, les yeux dans l'dos, continuer d'avancer
La faim et la soif font leur travail de fossoyeuses
Chaque pas est une victoire, un pied d'nez à la faucheuse
Ni passeport, ni visa, ni carte d'identité
Le regard est hagard, perdu dans l'immensité
Le Soleil frappe, cogne, indomptable
Inlassable, infatigable, impitoyable
Sous chaque pas, un corps inerte tombé trop vite
Sous les balles de la police, ou d'un pillard à qui l'exode profite
La peur rode et s'taille la part du roi
Les oiseaux de proie n'ont plus que l'embarras du choix
C'est l'odyssée tragique des vagabonds apatrides
Les rapaces à l'affut se ruent sur les cœurs intrépides

[Refrain (*2)]
Au pied de la muraille du Nord
Au pied de la muraille du Nord
Suinte la sueur des ombres
La sueur des ombres

[Couplet 2]
Les vagues sont hautes et lourdes, le vent souffle
Une frêle embarcation dans la nuit s'engouffre
A bord les poches sont à sec mais les pieds mouillés
Au ras des flots le rafiot est une grenade dégoupillée
Entassés dans la cale il n'y a plus d'échappatoire
Juste un mélange de vomi et de prières incantatoires
Aucun gilet de sauvetage ni fusée d'détresse
Et par temps de rage, plus une seule étoile comme GPS
Les vagues sont hautes et lourdes et le vent siffle
Il pleut des cordes dans les grands fonds c'est la gifle
Les mains s'accrochent, se cramponnent comme elle peuvent
C'est le baptême de la Grande Bleue, l'ultime épreuve
Tenir, car de jour tout ira mieux
En bout de course l'eldorado attend sous un Soleil radieux
Mais le matin il n'y a qu'des guenilles sur le rivage
C'est la marée des affamés qui n'ont que l'exil en partage

[Refrain]

[Couplet 3]
Passer inaperçu, se fondre dans la masse
Encore raser les murs, jamais laisser de trace
Forcer toujours les mailles du filet
Espérer faire son beurre au noir, docile et discipliné
Fantômes rescapés dans les sous-sols des palais
Petites mains des cuisines, de la plonge ou du balai
Forçat bon marché, vulgaire chair à chantier
Ne donne pas cher d'leurs peaux quand les sirènes se mettent à chanter
Passer inaperçu, éviter les charters
Les camps de rétention, les reconduites à la frontière
Chassés, traqués, parqués comme des chiens
Ici le maître blanc a la main d'fer dans un gant de satin
Dans sa soupière mijotent les rêves des clandestins
Qu'il aime sucer jusqu'à l'os dans un funeste festin
La terre promise n'est qu'une chimère, fin du mirage
Une cage dorée, une vieille usine d’équarrissage

[Refrain]