[Couplet 1 - Médine]
J’ai l’sang mêlé : un peu colon, un peu colonisé
Un peu colombe sombre ou corbeau décolorisé
Médine est métissé : Algérien-Français
Double identité : je suis un schizophrène de l’humanité
De vieux ennemis cohabitent dans mon code génétique
À moi seul j’incarne une histoire sans générique
Malheureusement les douleurs sont rétroactives
Lorsque ma part française s’exprime dans le micro d’la vie
Pensiez-vous que nos oreilles étaient aux arrêts ?
Et que nos yeux voyaient l’histoire par l’œil d’Aussaresses ?
Pensiez-vous que la mort n’était que Mauresque ?
Que le seul sort des Arabes serait commémoré ?
On n’voulait pas d’une séparation de crise
De n’pouvoir choisir qu’entre un cercueil ou une valise
Nous n'voulions pas non plus d'une Algérie Française
Ni d’une France qui noie ses indigènes dans l’fleuve de la Seine
Pourtant j’me souviens ! Du FLN, qu’avec panique et haine
Garant d’une juste cause aux méthodes manichéennes
Tranchait les nez de ceux qui refusaient les tranchées
Dévisagé car la neutralité fait d’toi un étranger
Tous les Français n’étaient pas homme de la machine
Praticiens de la mort, revanchards de l’Indochine
Nous souhaitions aux Algériens ce que nous voulions dix ans plut tôt
Pour nous-mêmes, la libération d’une dignité humaine
Nous n’étions pas tous des Jean Moulin mais loin d’être jenfoutistes
Proches de Jean-Paul Sartre et des gens jusqu’au-boutistes
Tantôt communiste, traître car porteur de valise
Tantôt simple sympathisant de la cause indépendantiste
J’refuse qu’on m’associe aux généraux dégénérés
Mes grands parents n’seront jamais responsables du mal généré
Du mal à digérer que l’Histoire en soit à gerber
Qu’des deux côtés de la Méditerranée tout soit exacerbé
[Refrain]
Alger meurt, Alger vit
Alger dort, Alger crie
Alger peur, Alger prie
Alger pleure, Algérie
[Couplet 2 - Médine]
J’ai l’sang mêlé : un peu colon, un peu colonisé
Un peu colombe sombre ou corbeau décolorisé
Médine est métissé : Algérien-Français
Double identité : je suis un schizophrène de l’humanité
De vieux ennemis cohabitent dans mon code génétique
À moi seul j’incarne une histoire sans générique
Malheureusement les douleurs sont rétroactives
Lorsque ma part algérienne s'exprime dans le micro d'la vie
Pensiez-vous qu’on oublierait la torture ?
Que la vraie nature de l’invasion était l’hydrocarbure ?
Pensaient-ils vraiment que le pétrole était dans nos abdomens ?
Pour labourer nos corps comme on laboure un vaste domaine
On ne peut oublier le code pour indigène
On ne peut masquer sa gêne, au courant de la gégène
Électrocuter des hommes durant six ou sept heures
Des corps nus sur un sommier de fer branché sur le secteur
On n’oublie pas les djellabas de sang immaculées
La dignité masculine ôtée d’un homme émasculé
Les corvées de bois, creuser sa tombe avant d’y prendre emploi
On n'oublie pas les mutilés à plus de trente endroits
Les averses de coup, le supplice de la goutte
Les marques de boots sur l’honneur des djounouds
On n’oublie pas les morsures du peloton cynophile
Et les sexes non circoncis dans les ventres de nos filles
On n’omet pas les lois par la loi de l’omerta
Main de métal nationale écrase les lois Mahométanes
Et les centres de regroupement pour personnes musulmanes
Des camps d’concentration au sortir de la seconde mondiale
On n’oublie pas ses ennemis
Les usines de la mort, la villa Sesini
Épaule drapée, vert dominant sur ma banderole
Ma parole de mémoire d’homme : les bourreaux n’auront jamais l’bon rôle
[Refrain]
[Couplet 3 - Magyd Cherfi]
Et ça cogne ça s'agite dans ma tête à toute heure
A peine 2 oreilles posées sur l'oreiller
Que le combat commence et c'est deux gladiateurs
Qui se découpent pour savoir qui sera le premier
L'un et l'autre vaillants dans une lutte à mort
Se réclament de moi comme si j'étais deux / d'eux
Chacun me dit choisis c'est pas vrai que je dors
Toutes les nuits un cauchemar m'ouvre la tête en deux
Un maître à moi domine, qui ne fait pas de quartier
Il a lu Aristote, et dans l'éclat de voix
Crie à qui veut l'entendre que c'est lui l'héritier
Des Lumières, et prétend qu'il n'y a pas d'autres voies/voix
J'ai aussi un esclave qui n'a jamais guéri
Qui peine à lire et supplie qu'arrive le mot "Fin"
L'estomac vide aux livres, préfère un sac de riz
La colombe est un vautour quand elle a trop faim
Alors comme un cheval, furieux, qui se débride
Comme la mère à qui la balle a pris le fils
Je prends mon envol et me jette dans le vide
Avec aucun pardon au bout du sacrifice
[Refrain]