Booba
Interview Metronews - Futur 2.0
Ce 25 novembre, Booba revient dans les bacs avec "Futur 2.0", la réédition de son précédent opus. Rap, argent, clashes, racisme : le rappeur ne mâche pas ses mots.

[INTERVIEW]

- La moitié des titres bonus de FUTUR 2.0 sont déjà connus des fans. Pourquoi ne pas avoir sorti de vrais inédits ?

Autant faire un nouvel album et je travaille déjà dessus. Là, j'avais des sons déjà prêts, c'était donc l'occasion de les sortir. Je suis assez productif et je pense que le prochain disque sortira à la rentrée 2014. Pour le moment, je n'ai que des ébauches de titres.

- Dans cette réédition, on retrouve un featuring avec Maître Gims sur le titre ''Longueur d'avance''. Comment est née cette collaboration ?

Je n'avais pas de refrain sur ce morceau. Comme je sais que Gims apprécie ce que je fais et qu'il est Monsieur refrain, j'ai fait appel à lui. Je pense que c'est un featuring auquel les gens ne s'attendaient pas parce qu'on ne fait pas vraiment la même musique. C'est un contre-pied.

- Dans ''Parlons peu'' et de nombreux morceaux d'ailleurs, vous parlez souvent d'argent. Est-ce votre but dans la vie de toujours en gagner plus ?

Tout le monde parle de la super cagnotte, d'avoir une augmentation au boulot, de trouver un autre taf mieux payé. Quand je le mets en avant, forcément, ça choque. En France, l'argent est plus tabou, mais ça n'enlève pas le fait qu'on y pense tous et que tout le monde se lève le matin pour gagner sa croûte. C'est la culture, c'est primitif. Nous, ce qu'on veut ce n'est pas devenir médecin ou lire des bouquins. On veut de l'argent (rires). Un lion veut de la viande. Moi, je veux de l'argent pour m'acheter des steaks Charal. Sinon, je vais les voler à Auchan. C'est ce que je faisais plus petit. Pour moi, l'argent, c'est la liberté dans notre société de consommation. La pire des choses dans la vie est l'ennui. Quand vous n’avez pas d'argent qu'est-ce que vous faites ?

- Quelle est votre plus grosse folie ?

J'aime bien les montres, les voitures... les appartements (rires). Ma montre la plus chère doit dépasser les 30 000 euros. Ce n'est pas énorme, on peut mieux faire... sans me vanter.

- Parallèlement au rap, vous avez votre propre marque de vêtements. Aujourd'hui, vous considérez-vous plus rappeur ou businessman ?

Je me suis toujours senti plus businessman. J'ai toujours dû tout faire seul. L'un ne va pas sans l'autre. En fait je ne me suis jamais vu au devant de la scène, donner de ma personne et faire des concerts. Ca s'est fait un peu par hasard.

- Jusqu'à quel âge vous voyez-vous dans le rap ?
Je préférais être Dr. Dre qui produit Eminem, que le contraire. Ca ne me dérange pas du tout d'être en retrait, tant que j'amasse l'oseille et je fais ce que je veux. J'aime bien être tranquille. Je me vois dans le rap jusqu'au jour où je me trouverais ringard en m'écoutant. Ça se trouve, je serais un Barry White de ma génération.

- Que pensez-vous de la scène rap en France ?

Je pense que le rap est en assistance respiratoire. C'est le système des radios qui est mort, des télés. C'est toute une mafia qui exclut le rap.

- La Fouine a sorti une autobiographie. Est-ce quelque chose que vous pourriez aussi faire ?

C'est super comique ! On dirait que le mec est une légende, qu'il a accompli je ne sais pas quoi. On dirait qu'il a 40 ans. Ça sera toujours trop tôt pour lui. S'il veut raconter de la merde, il le fait. Je ne lis pas, donc ce n'est pas lui que je vais lire.

- Dans ce livre, il parle de vos clashes...
C'est malheureux, c'est du business. Il est en galère d'oseille et il veut faire de l'argent. Il écrit un livre autobiographique, ça veut dire que je fais partie de sa vie. Moi, il ne fait pas partie de la mienne.

- Regrettez-vous tous ces clashes ?

Non, je ne regrette pas. Je regrette de ne pas lui avoir mis un KO quand je me suis expliqué avec lui la première fois, qu'il a fait la sainte-nitouche et disait qu'il n'avait rien à voir avec toute cette histoire. J'étais en face de lui, c'était l'occasion et comme ça, c’était réglé.

- Pour vous, un clash peut-il desservir un artiste ?

Oui, si on perd le clash. C'est comme un combat de boxe, un jeu. Forcément, il y a le risque de perdre. Il a morflé, sa carrière en a pris un coup. Là, il est un peu perdu, il fait n'importe quoi. Des autobiographies, des nouveaux groupes... J'ai vu dernièrement qu'il avait fait L'école des fans.

- Il a également été juré dans Popstars...

C'est à double tranchant. Soit vous faites Popstars et ça cartonne parce que vous participez et vous amenez de l'audience, soit vous passez inaperçu et ça veut dire que tout le monde s'en fout de votre gueule. Il n'a pas le charisme nécessaire pour pouvoir se permettre de faire Popstars et de faire exploser les audiences.

- Accepteriez-vous de participer à un programme de télé-crochet ?
Un truc comme The Voice, pourquoi pas. Tant que ça reste artistique et qu'il y a de la création, c'est intéressant.

- Dans vos textes, vous parlez d'actualité. Qu'est-ce qui attire votre attention en ce moment ?

L'affaire Taubira. J'aime bien que des choses comme ça arrivent parce que ça justifie mes textes. Le racisme, j'en parle depuis 15 ans. Quand vous le vivez, ça fait bizarre. Quand on vous traite de sale nègre, qu'un flic vous traite de singe ou qu'on vous jette des bananes en rentrant sur un terrain de foot et que vous êtes un joueur de couleur : c'est violent. On ne s'en rend pas compte quand on ne le vit pas.

- Comment expliquez-vous cette violence verbale ?

Il n'y a aucun danger, il n'y a pas de communauté en France. Il n'y a pas de solidarité. Suite à ça, il devrait y avoir un Martin Luther King, qui mène une marche de milliers de personnes à travers Paris. Allez dire ça sur une autre ethnie, où il y a derrière un lobby. Ça ne passe pas. Là, ils n'ont pas peur, ils s'en foutent. Qui va descendre dans la rue ? Il n'y a aucun leader d'opinion. Tout le monde ferme sa gueule et essaie de garder son oseille. Il n'y a pas de combat. Comment les Noirs aux Etats-Unis s'en sont sortis ? C'est grâce à eux et malgré eux, parce qu'on les a parqués en communauté. Ils se sont servis de ça. Les blancs américains ont dû faire avec. Ils sont descendus dans la rue, ils ont tout cassé, brûlé, tué. En ce moment, on en parle, mais après ça sera autre chose. Il suffit qu'il y ait un typhon et c'est fini.

- Vous vivez aux Etats-Unis. Incitez-vous les jeunes en difficulté en France à partir ?

Si vous n'êtes pas content, barrez-vous comme disent les fachos. Voyagez, découvrez d'autres choses. Mais attention, des gens se sentent bien en France. J'incite les gens à voyager, ça ouvre l'esprit et ça vous permet de vous dire qu'il y a pire ou mieux ailleurs. Vous pensez différemment.

- Vous pensez qu'il y a un avenir pour les jeunes en France ?

Aujourd'hui, pas beaucoup. A part ouvrir une chicha ou une sandwicherie.