Charles Aznavour
Ils sont tombés
[Couplet 1]
Ils sont tombés, sans trop savoir pourquoi
Hommes, femmes et enfants, qui ne voulaient que vivre
Avec des gestes lourds, comme des hommes ivres
Mutilés, massacrés, les yeux ouverts d'effroi
Ils sont tombés, en invoquant leur Dieu
Au seuil de leur église, ou le pas de leur porte
En troupeaux de désert, titubant en cohorte
Terrassés par la soif, la faim, le fer, le feu
Nul ne éleva la voix, dans un monde euphorique
Tandis que croupissait un peuple dans son sang
L'Europe découvrait le jazz et sa musique
Les plaintes de trompettes couvraient les cris d'enfants
Ils sont tombés, pudiquement sans bruit
Par milliers, par millions, sans que le monde bouge
Devenant, un instant, minuscules fleurs rouges
Recouverts par un vent de sable, et puis d'oubli

[Couplet 2]
Ils sont tombés, les yeux plein de soleil
Comme un oiseau qu'en vol une balle fracasse
Pour mourir n'importe où et sans laisser de traces
Ignorés et oubliés dans leur dernier sommeil
Ils sont tombés, en croyant ingénus
Que leurs enfants pourraient continuer leur enfance
Que un jour, ils fouleraient des terres d'espérance
Dans des pays ouverts d'hommes aux mains tendues
Moi je suis de ce peuple, qui dort sans sépulture
Qui a choisi de mourir, sans abdiquer sa foi
Qui ne a jamais baissé la tête sous l'injure
Qui survit, malgré tout et qui ne se plaint pas
Ils sont tombés, pour entrer dans la nuit
Éternelle, des temps au bout de leur courage
La mort les a frappés sans demander leur âge
Puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants d'Arménie