Lucio Bukowski
Le poète et le vandale
[Intro]
Je me suis réveillé sous l’azur de l’absence
Dans l’immense midi de la mélancolie
L’ortie des murs croulants boit le soleil des morts
Silence
[Couplet 1 : Lucio Bukowski]
Né par césarienne, premier cri, le début d’une suite de scandales
Premiers pas dans ma vie d’vandale
Une bombe H puante dans la couche, le bavoir plein d’dégueuli
D’vant Gulli, les conneries m’faisaient bien plus rire que les guilis
Des gribouillis, deux sur les rideaux, ridé le front d’ma
Mère fâchée du coup découragée, lâchait l’affrontement
Mes frères m’ont mis quelques tartes
Me racontant qu’papa et maman m’avaient r'trouvés sur un trottoir de Calcutta
Un peu plus tard, j’ai bien compris que j’n’avais rien d’un poète
Le poisson rouge rentrait de force dans la voiture Majorette
Être sage ? Même pas en rêve et entre parenthèses
J’étais la preuve vivante de la question : pourquoi les parents baisent ?
En primaire le délit ne l’était plus, bien trop bordélique
J’pissais dans des bouteilles d’Ice Tea pensant leur faire boire des litres
Au collège, plus d’collègues, le radiateur me collait
Ainsi que toutes ces heures que j’esquivais, j’suis pas un poney
Honnête, ça c’saurait, dégoupilleur d’extincteurs
Faiseur de poches à la cantoche, personne s’approche du goret
Seul au fond d’la classe, j’rêvais de dén***r la douce prof
Un caractère bien salace, j’suis dénué d’amour propre
17 piges en cinquième, donc nique sa mère l’école
Mes fournitures scolaires étaient casses vitres, cutters, et bombes aérosols
Tournevis dans les pneus des R12 des smicards
J’faisais même pas ça pour être mieux, oh mais quel petit bâtard
Célibataire, je n’crois en rien, ouais je suis né athé
Devant l’juge pour enfant, j’disais que mes yorks, cons, m'battaient
Allez tous niquer vos mères, c’est sur vos gueules que j’dégobille
Tu trouveras mon blase en gardav’ signé à l’hémoglobine
Âme de troglodyte, élevé par le feu
Moi homme tirer femme par les ch’veux
Ma vie est trop maudite, j’en ai trop dit
Et c’est ainsi qu'j’vous nique le micro
[Couplet 2 : Anton Serra]
Je suis né une nuit d’été au Sud de nulle part
Sous un beau ciel étoilé où les songes ne s’annulent pas
Entre une poitrine de sage-femme et la claque, quel bon soir
Mon premier cri fut un alexandrin de Pierre Ronsard
L’enfance est toujours poétique, j’avais un truc en moins
En même temps à peu près sûr d’avoir un truc en moi
Un peu d’incandescence, des images à recracher
Mais sans vocabulaire, c’est s’étouffer dans sa trachée
A l’école j’ai découvert les déliés d’une échappatoire
J’n’étais déjà plus ce mouton voué à l’abattoir
Je rêvais de filles en rires à mettre en rimes
D’un mystère sexuel, enivrant et transpirant sans clim’
L’instinct fit l’travail fasse à la joie trop hautaine
Voyant l’existence comme une fable de La Fontaine
Contre le spleen, les amis furent un remède prouvé
Plus tard, la littérature viendra bien nous sauver
Adolescent, j’ai traîné avec Pessoa et les deux Charles
Au plus profond, persuadé que le réel manque de charme
J’voulais autre chose à construire, avoir ma propre écharde
Préférant voir le monde à la manière d’un René Char
En grandissant, la plume et le poète voyagent à la dure
Là j’adule de pénétrer violemment dans l’âge adulte
De passer plus de temps avec Dante d'ici le coronaire
Mon seul objectif : transformer mon crâne en dictionnaire
Je n’ai qu’les mots pour lutter contre moi-même
Donner une vie plus belle des choses, voici c’qui m’amène
Un jour j’ai connu Dylan Thomas, ce fut l’histoire
Depuis je conserve des nuits de muse dans un tiroir
Je porte des écharpes pour mieux coller au cliché
J’ai l’art d’être au plus bas pour éviter les rimes figées
Un peu hermétique, obligé d’emprunter quatre chemins
J’écris mes freestyles à la plume d’oie sur du parchemin