Lucio Bukowski
Mont-de-piété
Yo, j'y ai déposé mes espoirs morts et mes espadrilles
Un vinyle des Pink Floyds et mes ex-patries
Des souvenirs, des soupirs, des sourires sépia
Une vieille chemise venant de je-n'sais-pas
Des poèmes inachevés, des photographies
Une édition originale autographiée
Attendant pile à l'étape initiale d'une file
Quelque draps brodés aux initiales d'une fille
J'y ai déposé quelques beaux couplets
J'en ai tiré pas grand chose à l'heure où l'art coulait
Mes années passaient entre les jours au nombre de trente
Ma correspondance privée avec mon pote Rembrandt
Un bout d'mon univers bien courbé
Des larmes dans une bouteille de Nikka bien tourbé
Des peintures, ma montagne de livres y passeront bien
Et peut-être mon manteau, la fin de l'hiver vient
J'y ai déposé mes DVDs
Mes couverts, j'ai vidé mes poches l'air hébété
Mes diplômes, ils ont pas vraiment su quoi en foutre
Au guichet du Mont-de-piété on n'connait pas la foudre
J'y ai déposé ma condition
J'y ai déposé mes convictions
La couronne en carton quand j'ai tiré les rois
Un reste de rêve érotique payable au poids
Et ma solitude par équipe
Ma collection d'angoisse, ma machine à écrire
Mon affiche de Rothko, un roman d'aventure
Mon stock d'invendus de “Sans Signature"
J'y ai déposé mes expériences
Ai conservé une poignée d'espérance
Et d'ici l'repas, je me repais d'eau plate
Et d'ici l'repos, je vis ma guerre d'hoplite