Lucio Bukowski
Quand je toucherai le fond
[Couplet 1 - Anton Serra]
La bouche tellement pâteuse, un putain d'mollard à zéro
V'là le fait de tomber d'assez haut moi qui voulait un passé autre
Comment s'conjuguer au futur ? Mon avenir j'suis passé outre
Frustré comme un nord-coréen qui désire s'tirer à Séoul
Ça va être dur, très très dur, la vie a ses bas, a ses hauts
Torturé comme ça putain, moi qu'il était déjà assez ouf
Mon moral est passé où quand l'acier devient guimauve ?
Ébruite le raffut d'un silence quand une personne ne dit mot
La molesse d'un long dimanche, sans ami, sans sentiment
Du gouffre à quelques centimètres et un gros vide j'ai senti naître
Le cœur vacant, le ventre idem, c'était une soirée sans dîner
Un tantinet suicidaire comme l'indigent pour cantiner
Moment d'ivresse tout en finesse
Le pack de douze me prend d'vitesse
Les accidents peuvent s'éviter quand on est tous en mode Vittel
Résidus sur carte vitale, ma vie sur le fil d'l'opinel
Dur d'finir en quarantaine, un peu avant la trente-huitaine

[Couplet 2 - Lucio Bukowski]
Ce matin-là j'enfilerai ma plus jolie chemise
Déposerai mes espoirs au fond de la remise
Songerai à des toiles couleurs Henri Matisse
Comme jardin secret un terrain vague que l'abandon ratisse
Quand je toucherai l'fond, sûr que j'y trouverai des runes
Laissant des luttes sans armes sous fond de Noir Béru'
J'embrasserai ma mère, écouterai du Granados
Regoûterai la mer, me noyant dans le Calvados
Ce matin-là le soleil sera ma seule fortune
Quelques regrets en guise de seule torture
M’assiérai dans un bar en face d'un café noir
Gratterai un poème dans la pur veine de René Char
Repenserai à l'enfance et puis à l'amitié
Laissant chacun de mes foutus couplets sans héritier
Quand je toucherai le fond comme l'amour d'un soir
Ce sera beau comme la mort d'un roi
[Couplet 3 - Anton Serra]
Je suis seul comme cette main qui tâtonne la drap dès le réveil (seul)
Puis s'évapore ce joli minois dont je rêvais (seul)
Tirer la gueule devant ce mug de kawa leche
Croise le postier qui sans-gêne me d'mande si ça va...
En rajoute une, puis une tonne dans la boite à soucis
Seul que le sel au fond d'mon caf' me radouci
Si seul, au fond d'la gare mon corps s'isole
Perdu au milieu de tout ces regards qui me cisaillent
Si seul, que ma clé d'sol en oubliait l'arpège
La tej' d'une soirée kitch d'un ermite en Ardèche
La dech', à croire qu'j'suis seul sur ce sol glissant
Partir au taf dans un bleu de travail sans adoucissant
Esseulé, l'eau salée perle au bout de mes cils
Mon idée fixe quittera tout domicile
Homicide sur soi-même (ainsi soit-il, amen)
Le malaise est plus profond
J'irai l'rejoindre quand j'toucherai l'fond

[Couplet 4 - Lucio Bukowski]
Il me suffira d'un rire pour déjouer mes peurs
Ma petite monnaie en guise de pourboire pour le passeur
Mes idées noires derrière un fond pluvieux
L'âme lourde permet de toucher le fond plus vite
Ce matin-là j'aurai les poumons pleins
De l'eau du fleuve, ces salauds de vers ne m'auront pas
Et je flotterai dans les limbes au volant d'amarante
D'un petit jour où seules les âmes sont apparentes
Nous serons pleins, ce sera l'hiver aux bras gelés
Tous, on s'retrouvera au bar s'jeter
Encore quelques verres avant de s'laisser là
C'est la tournée d'la faucheuse, sa forme de mécénat
Ce matin-là je manquerai à l'appel
Me disant tout bas qu'tout ça aura valu la peine
Puisque j'aurais vécu 20 siècles
Quand je toucherai l'fond, p't'être que j'écraserai un ciel
[Scratches]