Lucio Bukowski
Je voyage
Je m'ennuie donc je m'enfuie, à l'envers de la file
Désintègre d'en haut les lumières de la ville
Mon crâne est un palais, mon cœur une foutue ZUP
Voyage sans un centime, voltige au centuple
Je rêve peu mais je rêve mieux, c'est la seule différence
Ils adorent tous hurler, je voyage en silence
Je crève enfermé quand ils baisent des putes en loge
Et certains soirs ma vitesse ralentit l'horloge
Je voyage comme je peux, traverse les courbures
Leurs frontières sont les voiles dont je défais les coutures
Pour ignorer le monde je laisse parler l'habitude
Un jour j'ai connu l'aube, puis ce fut la biture
Je traîne un sac de ruines, ça fait joli sous la lune
J'ai ma flaque de songes, où engluer ma plume
Je me sens hors des foules, bâtis ma propre lagune
Préférant voyager entre les bras d'une brune

Je voyage dans les recoins les plus perdus de mes souvenirs
Soupire et soutire, au regret mon plus beau sourire
C'est dire le temps est traître, rien pour l'amortir
Pas même un bon mortier en vue de m'en sortir
Je voyage a l'aveuglette, avale des paysages
Des déserts, des orages, des ruelles et des visages
Je voyage avec Cendrars, Miller et Matisse, Joseph Oliver et Markos Vamvakaris
Je voyage entre tes lèvres, voyage et puis m'élève
Ma résignée tristesse, serais-je ton meilleur élève ?
Je voyage encore et encore voici l'ironie
Perce la fournaise sur un fond Wendy René
Je cours entre tes reins, me perd entre tes seins
Retrouve mon chemin en semant des quatrains
Des rimes décaties, pour un poète c'est du gâteau
Visiterai ton âme, en fredonnant du Fado
J'ai goûté à l'amour, aux défaites et aux espoirs
J'y suis tellement resté, j'en ai chopé des escarres
J'ai rencontré ma chute, au croisement d'une avalanche
Et puis j'ai voyagé dans l'océan de tes phalanges
Au fond d'un train sordide j'ai recompté les années
Une odeur de tabac froid, une boussole dans la cornée
Impossible de crever quand l'esprit te sert d'appui
Mon ami, 27 ans que je voyage gratuit