Léo Ferré
La vie antérieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques
Les houles, en roulant les images des cieux
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir