Léo Ferré
La vie est louche
La vie est louche
Les femmes se couchent toutes à minuit
La vie est brève
Les femmes se lèvent et font leur lit
La radio gronde entre les ondes
Les oiseaux glissent dans le soir lisse
Les feuilles tombent droit à leur tombe
Les choses cassent comme la glace
L'âme s'enrhume sous l'amertume des vieux projets
Le coeur radote sous les bank-notes trop bien rangés
Les portes claquent comme des claques
Les années rongent les plus beaux songes
La vie est belle
Les hommes bêlent
La vie est douce
Les enfants poussent
La vie est louche
Les femmes découchent à petits pas
La vie est brève
Les femmes se lèvent ou se lèvent pas
La télé guide les yeux candides
L'or vagabonde autour du monde
Les journaux mentent comme les rentes
Les roses meurent comme les heures
L'âme déttele et d'un coup d'aile
Va qui sait où
Le coeur s'engage au bas des pages d'un billet doux
La mer remonte comme la honte
Et sur la plage met son visage
Au bord des houles qui vont qui ourlent
Toute une liste de poissons tristes
La vie est louche
Les hommes louchent sur qui sur quoi
La vie est brève
Et le blé lève malgré tout çà
L'oeil s'interroge dessous l'horloge
La page blanche sous la main, flanche
La neige aiguise son froid de bise
La mort se traîne le long des veines
L'âme des choses nous indispose
L'arbre se plaint
Le coeur des bêtes dans l'ombre guette des assassins
La nuit s'isole et dégringole
La lune obscène à l'avant-scène
Fait la retape et puis se tape
L'ombre qui rime avec la frime