Léo Ferré
Les Gares et les Ports
Les gar’s c’est con
Sauf pour la vue
Dans la fumée
Des vill’s perdues
Et des mouchoirs
Qui tend’nt leur nez
À des au r’voir
Longeant les quais

Les gar’s c’est con
SNCF
J’ préfèr’ les trains
D’ la NRF
Et les bouquins
Qu’ont pas d’horaire
Qui roul’nt sous la
Lamp’ familière

Les gar’s c’est con
C’est dégueulasse
Ça sent l’ fourgon
Et l’ passe à l’as
Et tous ces mecs
Et leurs tickets
Un trou avec
Par-d’ssus le marché
Les gar’s c’est con
Sauf dans la nuit
Certaines fois
Y en a qui crient
On dirait des Orphelinats
Qui jouent aux dés
Toutе leur smala

Dormir
Dans le chagrin du vent
Dormir
Jusqu’au nouvеau printemps
Et dans les champs
Mettre à la voile
Et pour un’ fleur
Vendre une étoile
Tout simplement
Sans bouger d’un centime
Dans l’ carrosse de la frime

Les ports c’est con
Les gar’s aussi
Quant aux Orly
N’en parlons pas
J’aim’ bien ma taule
Et mes bouquins
J’ voyage en douce
Ça m’ coûte rien
Les ports c’est con
Mêm’ quand c’est là
Dans l’encre bleue
D’une cart’ postale
Et quand je veux
Avoir le LA
Je m’ coupe en deux
Et je m’ cavale

Les ports c’est con
Même autrefois
Quand les thoniers
Tendaient leurs bras
À la mariée
En rob’ de toile
Avec leur sang
Soleil des voiles

Les ports c’est con
Dans les bistrots
Et le folklore
Des matelots
Et la putain
De la marée
Qui va qui vient
Sans rien donner
Partir
En cocotte en papier
Partir
Dans le sleeping des prés
Et dans tes bras
Faire une escale
Et dans tes yeux
Me fair’ la malle
Rien que nous deux
Sans boussole et sans voile
Avec toi pour étoile