Léo Ferré
Lorsque tu me liras
Lorsque tu me liras, je te regarderai dans le pare-brise
Tu viendras à moi, tout entière, comme la route
Lorsque tu me liras, la maison sera silencieuse, et mon silence à moi te remplira tout entière aussi
Avec toi, dans toi, je ne suis jamais silencieux, c’est une musique très douce que je t’apporte...
Quant à toi, tu verses au plus profond de ma solitude cette joie triste d’être, cet amour que, jour après jour, nous bâtissons, en dépit des autres, en dépit de cette prison où nous nous sommes mis, en dépit des larmes que nous pleurons chacun dans notre coin, mais présents l’un à l’autre...
Je te voyais, ces jours-ci, dans la lande, là-bas, où tu sais... Je t’y voyais bouger, à peine te pencher vers cette terre que nous aimions bien tous les deux, et tu te prosternais à demi, comme une madone, et je n’étais pas là... Ni toi... Ce que je voyais c’était mon rêve...
Ne pas te voir plus que je ne te vois... Je me demande la dette qu’on me fait ainsi payer. Pourquoi ? L’amour est triste, bien sûr, mais c’est difficile, au bout du compte, difficile...
Dans mes bras, quand tu t’en vas longtemps vers les étoiles et que tu me demandes de t’y laisser encore... Encore...
Je suis bien ; c’est le printemps, tout recommence, tout fleurit, et tu fleuriras aussi de moi, je te le promets
La patience, c’est notre grande vertu, c’est notre drame aussi. Un jour nous ne serons plus patients. Alors tout s’éclairera, et nous dormirons longtemps, et nous jouirons comme des enfants. Tu m’as refait enfant ; j’ai devant moi des tas de projets de bonheur... Mais maintenant, tout est arrêté dans ma prison. J’attends que l’heure sonne... Je me perds dans toi, tout à fait
Je t’aime, Christie, je t’aime