Léo Ferré
Les chercheuses de poux
Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes
Implore l'essaim blanc des rêves indistincts
Il vient près de son lit deux grandes soeurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins
Elles assoient l'enfant devant d'une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs
Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés
Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers
Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
Parfumés; et leurs doigts électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux
Voilà que monte en lui le vin de la Paresse
Soupirs d'harmonica qui pourrait délirer;
L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer