Charles Baudelaire
La mort des pauvres
C'est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre;
C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir
Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre
Et nous donne le cœur de marcher jusqu'au soir;
À travers la tempête, et la neige et le givre
C'est la clarté vibrante à notre horizon noir;
C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre
Où l'on pourra mangеr, et dormir, et s'asseoir
C'еst un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;
C'est la gloire des Dieux, c'est le grenier mystique
C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique
C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!