Charles Baudelaire
L’amour et le crâne, Op. 20
L'Amour est assis sur le crâne
De l'Humanité
Et sur ce trône, le profane
Au rire effronté
Souffle gaiement des bulles rondes
Qui montent dans l'air
Comme pour rejoindre les mondes
Au fond de l'éther
Le globe lumineux et frêle
Prend un grand essor
Crève et crache son âme grêle
Comme un songe d'or
J'entends le crâne à chaque bulle
Prier et gémir:
- " Ce jeu féroce et ridicule
Quand doit-il finir?
Car ce que ta bouche cruelle
Éparpille en l'air
Monstre assassin, c'est ma cervelle
Mon sang et ma chair!"