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Fadaa Funk : une descente de l’espace ou un voyage vers lui
Gourbilas - Album Fadda Funk 2020
Fadaa Funk une descente de l’espace ou un voyage vers lui

TrackList:
01- Dohor 'Intro'
02- Fadaa Funk
03- Cosmic
04- Casino
05- Gourbilas - American Dream (ft Lotfi)
06- Fadaa Groove 'Interlude'
07- La Guinguette
08- Gourbilas - Mirror (ft Kazzey & Tia & Ronnie King)
09- Armageddon
10- Srab 'Outro'


Placer ses écouteurs, lancer un morceau de musique et fermer les yeux, pour les rouvrir dans les années 80, y a-t-il un meilleur moyen pour briser les chaines du temps et le traverser ?
C’est ce qui m’est arrivé lors de ma première écoute du deuxième album du groupe Gourbilas, fils de la ville Tipaza. Le trio qui a osé défier les normes et creuser dans les profondeurs de l’histoire de la culture Hip-Hop, ne pouvant se contenter d’un rap sec sur des fond de Boom-bap ni de surfer sur les nouvelles vagues de Trap et de Drill ou autres… , Gourbilas a préféré opté pour une méthode artistique plus à leur gout. Leur début classique en Boom-Bap et Hardcore sur leur premier album «42 la zone » leur a donc permis de tâter le terrain avant de définir une vision propre à eux, une vision de rencontre culturelle et artistique à laquelle on les reconnait. Le trio a replongé dans l’origine du Hip-Hop en s’inspirant du Funk, ce qui donna naissance à leur réel premier album le 09/06/2020
Il va sans dire que tout connaisseur de la scène musicale des années 60 jusqu’au années 80, reconnaitra les goûts prédominants aux US lors de cette période et leur différence avec les gouts d’autres nations. Il reconnaitra également l’impact du Disco et du Funk sur l’émergence du Hip-Hop
Si le groupe a choisit le Funk c’est par connaissance de la valeur de cette musique et du lien étroit qu’elle entretient avec le monde du Hip-Hop, autant sur le plan historique que sur le plan musical

La primauté de l’histoire et la valeur culturelle
La musique Funk, G-Funk et le Disco sont liées à l’histoire mondiale du Hip-Hop, qu’en est-il de l’histoire du RAP Arabe ? En tenant compte, l’Algérie est le premier pays Arabe à avoir vu la naissance de la culture Hip-Hop
Cette question nous pousser à chercher dans les archives de l’histoire du Hip-Hop en Algérie, les premières productions dans ce domaine reviennent aux années 1984, année durant laquelle le chanteur Chaâbi Hmidou a produit le premier track de l’histoire du RAP Algérien sous le nom de « Djoula f ellil », quand bien même les mélodies y sont inspirées de la Funky music, ce travail est considéré comme le premier track de RAP Algérien et Arabe. La relation entre la musique Funky, le Disco et le RAP Algérien ne s’arrête pas ici, ce morceau typique est paru dans un album nommé
France Chébran_France Boogie (1982-1989) Vol 2
Cet Album constitué d’un mélange de genres entre Disco, Funky et les mélodies populaires des années 80, est constitué de 16 morceaux, dont :
Le premier Track de RAP Algérien :
11- Hamidou - Jawla Feli 1984 (et le clip 1985)
Le premier track de RAP Marocain :
05- Shams Dinn - Hedi Bled Noum (1987)
L’album a également porté le premier morceau Algérien dans lequel figure la notion “Hip-Hop”, interprété par Noureddine Staîfi sur des mélodies Disco :
08- Nordine Staifi - Dansez Le Raksi
Gourbilas connait donc la valeur de ce choix artistique, mais quelle est sa valeur culturelle et ou se place ce projet artistique dans la culture Hip-Hop en 2020 ?
11 ans après la sortie du premier morceau de RAP Algérien, le premier album s’est produit par le groupe Intik en 1995. Dans les 5 premières années du Rap algérien, les productions se sont ensuite succédées jusqu’à atteindre les 30 projets artistiques (entre albums et compilations, les mixtapes restent cependant très peu présentes)
Dès ses débuts, le RAP en Algérie a connu une richesse de production, des fusions musicales en particulier avec des mélodies Algériennes qui ont marqué l’émergence de l’art du sampling, mais la vision artistique s’inspirant du Funky ou du Disco en l’associant au RAP avait disparu ( par vision artistique nous faisons référence ici à un projet musical complet et non à un single )
Il aurait été insensé qu’après toute une ère d’old school, 25 ans après la production du premier album de RAP Algérien et 36 ans après le premier morceau, on ne voit pas la naissance d’un projet de ce genre qui puisse laisser sa trace dans la culture musicale Algérienne
Gourbilas rejette le vide artistique et n’hésite pas à prendre de l’initiative face à un public qui gravit les étapes de l’affinement de ses goûts artistiques
Si on parle aujourd’hui du dernier projet de Gourbilas, c’est d’abord car cela fait plus d’une décennie que nous attendons l’apparition d’un projet culturel de genre, mais aussi pour sa concrétisation du concept d’album en Hip-Hop et pour sa forme narrative exceptionnelle qui a ajouté de la cohérence et de la complémentarité à l’œuvres, ainsi que pour les choix musicaux pertinents qui y ont été entrepris


Un album, une histoire
Le voyage dans le temps de ‘Fadaa Funk’ est en sois un voyage à travers les dimensions, imaginons l’apparation d’extra-terreste au ciel de Tipaza, souhaitant par leur développement scientifique entreprende un voyage d’exploration sur notre chère terre, en faisant de leur séjour un conte à transmettre au générations futures, un conte d’amour, de guerre et de paix, de réel et de surréel
*فيه لاقار (الحرب) فيه لا شونس و السلام، فيه الحب فيه الصح و الخيال*
Gourbilas a su se personnifier dans son album, d’un point de vue de la cohérence et de l’enchainement du contenu en général, des extraterrestres apparaissant sur la couverture sur la surface de la lune, font face à la planète terre, tandis que leur vaisseau apparait sur la couverture au dessus des titres des tacks et le symbole de la main de*El Khamsa*. Nous observons déjà les couleurs qui nous introduisent l’ambiance du projet, telles la préface d’un roman
Le choix des dix prochains titres n’a pas été aléatoire, l’apparition dans l’interlude est une métaphore pour l’élévation du trio dans le ciel artistique de Tipaza, tel des extraterrestres, leur démarcation attire donc tout les regards créant une atmosphère de curiosité autour de leur personne
Après leur apparition, les membres du groupe Gourbilas se présentent et présentent leur musique, dans le deuxième morceau « Fadaa Funk »
* فضاء فانك .. صون جاي من ليسباس... موسيقتو ما تموتش تسبق لا جينيراسيون *
* كلام ثقيل فيه الدق فيه الحس .. مسبوق بأجيال فهماتو ناس .. شكون خدموه، لي زيكستراتيراست (الفضائيين) *
Je ne m’attarderai pas sur les détails du reste de l’histoire, je la traverserai rapidement en vous laissant le plaisir de l’écoute. Le voyage de ces extraterrestres sera riche en émotions, après leur atterrissage, il entreprendront l’exploration de notre planète jusqu’à atteindre le rêve Américain, ou il s’arrêteront pour partager une cigarette avec des membres du groupe Wu Tang, avant de passer à travers un trou de verre dans l’interlude qui guidera leur traversée vers la familiarisation avec les traditions humaines dont ils parlent dans le track « Mirror » et vers une plongée dans l’histoire des civilisation dans « Armaggedon » pour décrypter l’âme humaine et étudier le plus vilain des défauts qui est la vanité. Une fois que tous les secrets de la terre se dévoilent face à ces extraterrestres, l’heure de quitter cette planète sonne dans l’outro. A travers ces morceaux les artistes nous véhiculent différentes émotions et nous content des histoires variées, allant de l’amour cosmique dans « Cosmic » aux guerres ancestrales dans « Armageddon ». En suivant un fil conducteur global, chaque morceau porte sa propre histoire
Dans le monde du Hip-Hop chaque album porte une histoire, mais il est rare de rencontrer des travaux artistiques réussissant à personnifier sa propre histoire avant autant de fluidité. L’exploit de Gourbilas dans cet album nous rappelle un autre album de RAP Algérien qui a porté différentes histoires et qui représente un classique, le travail artistique nommé « Banis fi biled l aadja’ib », Banis au pays des merveilles, un album paru en 2011 réalisé par Banis, un membre du groupe T.O.X

La fusion des cultures et la fusion de la musique
Suffit-il d’importer les arts et cultures en les interprétants en arabe ou en dialectes local, pour en faire des œuvres Algériennes ?
Ici peut apparaitre un conflit entre reprise et innovation, l’âme de l’Hip-Hop n’est limité ni représentée par aucune langue, ainsi la langue ne peut être une contrainte à la réception des cultures, de la musique et des arts, cependant, il ne suffit pas de traduire une œuvre artistique pour se l’approprier, il est nécessaire de l’adapter et de la maitriser. L’étape de la maitrise est importante car c’est au cours de cette dernière que se construit l’identité artistique de l’artiste au sein de sa société, par conséquent l’identité artistique de la société elle-même. Après la naissance de cette identité, commence la quête musicale dans le but d’atteindre le « Super Saiyan » de la fusion culturelle, l’artiste plonge donc dans les profondeurs des productions locales en les adaptant aux cultures importées. Dans le cas de la musique cette étape est celle de la fusion musicale, une étape cruciale car c’est elle qui assure l’intégration du travail artistique dans la culture du pays (si on parle de la culture Hip-Hop, ceci signifie que le Hip-Hop Algérien porte en lui l’identité Algérienne et se nourrit de sa culture)
Retournons à notre sujet, Fadaa Funk, comme dit précédemment l’interlude nommée «Groove» a permit de changer le cours de l’histoire ainsi que celui des mélodies utilisées, nous parlons ici de Groove
Gourbilas a utilisé le terme «Groove» pour marquer une pause musicale (l’interlude) dans son album, ce terme technique dans le monde de la musique populaire, particulièrement dans le Funk qui y a consacré, dont les critiques se sont attardés sur la définition du terme et de la philosophie qui le régit. L’important de cette méthode rythmique c’est l’harmonisation ressentit ainsi que la transition des rythmes musicaux. Ce groove nous a permis dans cet album de passer du voyage à New York en compagnie de wu Tang et de Dr.Dre à l’authenticité de la culture musicale Algérienne, ainsi le septième track « La Guinguette » a été succédé de 3 morceau inspirés de musiques Algériennes différentes

La Musique Algérienne
- Mirror:
08- Gourbilas - Mirror (ft Kazzey & Tia & Ronnie King)
La musique de ce track a été construite sur un échantillon pris de la belle époque du Rai Algérien qui revient à un morceau de Cheba Faiza, parut en 2008 sous le titre « Djnani Maleh », Gourbilas ne s’est pas contenté de sampler la musique Algérienne pour mettre en avant le mixage des cultures musicales, le groupe a également fait dans l’unicité en s’associant à des géant de la musique
L’instrumental de ce morceau a été assuré par le membre du groupe K-Rider associé à Master T, tandis que la production et le clip ont été soigneusement réalisés par TCE Prod qui est le label à l’origine de la création de l’album. Les notes musicales portaient en elles une touche légendaire étant donné qu’elles ont été écrites par le fameux musicien et producteur Ronnie King qui s’est collaboré dans sa carrière avec des grands tels que Tupac, Snoop Dogg, Coolio, Warren G et Mariah Carey. Il se démarque par une touche ancrée dans l’histoire du RAP et le G-Funk, ce qui se s’additionne à la valeur artistique de cet album. Pour le talk box, le Français Kazzey a laissé sa propre touche dont la couverture de l’album comporte d’ailleurs une palette de couleurs semblable à celle des vidéos du dernier album de l’artiste, tandis que le refrain a été interprété par l’oranaise Tia
La deuxième collaboration de cet album fut avec Lotfi qui a contribué à la réalisation du refrain du cinquième titre : « American Dream »
Le morceau ‘Mirror’ résume le concept de l’album, il est ainsi l’ambassadeur de Gourbilas, c’est d’ailleurs le seul clip de l’album
- Armageddon :
L'un des meilleurs partenariats de l'album. Contrairement aux morceaux précédents ce morceau manifeste un mélange artistique et culturel à caractère Algérien, avec un accent sur le rap plutôt que sur le funk
La musique de la chanson repose sur un extrait d'une chanson publiée en 1990 par le chanteur * Hamid Baroudi * intitulée * Caravan to Bagdad *, cette chanson trés aimée et décrite comme “ la chanson que l'Occident a compris et que les Arabes n'ont pas compris “, car caravane vers Bagdad porte un message. C'était en réaction à la deuxième guerre du Golfe, où plus de 30 pays se sont alliés à l'Amérique (y compris les pays arabes) contre l'Irak, et la chanson de Hamid Baroudi parlait au nom de l'Irak de cette trahison arabe
*لله يا أهلي غدروني و أنا شكيت، لله يا أهلي تهموني و بكات العين*
La chanson rencontra un grand succès et une résonance hors d'Algérie, notamment en Amérique
Gourbilas a faire revivre cette chanson, “Armageddon” nous parle donc de la guerre perpétuelle entre bien et le mal
*في فجر الدنيا قامت حرب، بين الخير و الشر راني مبحر*
Ce titre représente une critiques aux anciennes aveuglées par le pouvoir ce qui les a poussé à la tyrannie et a causé leur disparition
Cette performance nous rappelle des morceaux de la période dorée du rap algérien, celle de Double Canon et de MBS qui traitaient de sujets similaires tout en brisant les tabous, il nous rappelle également le style de Immortal Technique dans leurs manière de traiter des sujets universels en les reliant à la nature individuelles de l’homme. Le titre de l’album est en lien avec le sujet global Caravane vers Baghdad qui traite de complots et de guerre. Un détail important à noter est le symbole de la main *El Khamsa* qui apparaît au dos de la pochette de l'album, car cette amulette qui apparait comme symboles de beaucoup d’œuvre de Hamid Baroudi
Entre “Caravan to Bagdad” et “Armageddon”, les trahisons arabes se poursuivent tandis que la musique classique continue de résister

Sarab (Outro):
Simplement et intelligemment, Gourbilas a su conclure son voyage qui partait du ciel de Tipaza et qui a atteint les sommes en revenant enfin à ses origine pour disparaitre tel un mirage (Sarab) dans le désert, avec un fond de Oud extrait de l’œuvre d’un géant de la musique Algérienne Alla El Bachari
Ainsi tout disparait, toutes les connaissances que nous avons absorbé au cours de ce voyage, tout ces sentiments, cette mélodie...Finit par toucher à sa fin
Retiendrons-nous de ce mirage le néant ou bien l’éternité ?
.
Le voyage a pris fin et j'ai dû mes écouteurs et me confronter à la réalité en me disant que Gourbilas n’est plus dans l’espace tel que nous le connaissons, elle a atteint un espace encore plus profond, celui ou la musique devient une langue universelle, détruisant toutes les barrières et regroupant toute les cultures
Peace, Love, Unity, Having Fun