Georges Brassens
Gastibelza (l’homme à la carabine)
Gastibelza, l'homme à la carabine, chantait ainsi
"Quelqu'un a-t-il connu doña Sabine? Quelqu'un d'ici?
Chantez, dansez, villageois! La nuit gagne le mont Falù...
Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou
Quelqu'un de vous a-t-il connu Sabine, Ma señora?
Sa mère était la vieille maugrabine D'Antequera
Qui chaque nuit criait dans la Tour Magne comme un hibou...
Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou
Vraiment, la reine eût, près d'elle, été laide, quand, vers le soir
Elle passait sur le pont de Tolède en corset noir
Un chapelet du temps de Charlemagne ornait son cou...
Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou
Le roi disait, en la voyant si belle, à son neveu
Pour un baiser, pour un sourire d'elle, pour un cheveu
Infant don Ruy, je donnerais l'Espagne et le Pérou!
Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou
Je ne sais pas si j'aimais cette dame mais je sais bien
Que, pour avoir un regard de son âme, moi, pauvre chien
J'aurais gaîment passé dix ans au bagne, sous les verrous...
Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou
Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre de ce canton
Je croyais voir la belle Cléopâtre qui, nous dit-on
Menait César, empereur d'Allemagne, par le licou...
Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou
Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe, Sabine, un jour
A tout vendu, sa beauté de colombe, tout son amour
Pour l'anneau d'or du comte de Saldagne, pour un bijou...
Le vent qui vient à travers la montagne m'a rendu fou."