Georges Brassens
La Traîtresse
J'en appelle à la mort, je l'attends sans frayeur
Je n'tiens plus à la vie, je cherche un fossoyeur
Qui aurait une tombe à vendre à n'importe quel prix :
J'ai surpris ma maîtresse au bras de son mari
Ma maîtresse, la traîtresse !
J'croyais tenir l'amour au bout de mon harpon
Mon p'tit drapeau flottait au coeur d'madame Dupont
Mais tout est consommé : hier soir, au coin d'un bois
J'ai surpris ma maîtresse avec son mari, pouah !
Ma maîtresse, la traîtresse !
Trouverais-je les noms, trouverais-je les mots
Pour noter d'infamie cette enfant de chameau
Qui a choisi son époux pour tromper son amant
Qui a conduit l'adultère à son point culminant ?
Ma maîtresse, la traîtresse !
Où donc avais-je les yeux ? Quoi donc avais-je dedans ?
Pour pas m'être aperçu depuis un certain temps
Que, quand elle m'embrassait, elle semblait moins goulue
Et faisait des enfants qui n'me ressemblaient plus
Ma maîtresse, la traîtresse !
Et pour bien m'enfoncer la corne dans le coeur
Par un raffinement satanique, moqueur
La perfide, à voix haute, a dit à mon endroit :
"Le plus cornard des deux n'est point celui qu'on croit."
Ma maîtresse, la traîtresse !
J'ai surpris les Dupont, ce couple de marauds
En train de recommencer leur hymen à zéro
J'ai surpris ma maîtresse équivoque, ambigue
En train d'intervertir l'ordre de ses cocus
Ma maîtresse, la traîtresse !