Georges Brassens
Sale petit bonhomme
Sale petit bonhomme, il ne portait plus d'ailes
Plus de bandeau sur l'œil et d'un huissier modèle
Arborait les sombres habits
Dès qu'il avait connu le krach, la banqueroute
De nos affaires de cœur, il s'était mis en route
Pour recouvrer tout son fourbi
Pas plus tôt descendu de sa noire calèche
Il nous a dit : "je viens récupérer mes flèches
Maintenant pour vous superflu's. "
Sans une ombre de peine ou de mélancolie
On l'a vu remballer la vaine panoplie
Des amoureux qui ne jouent plus
Avisant, oublié', la pauvre marguerite
Qu'on avait effeuillé', jadis, selon le rite
Quand on s'aimait un peu, beaucoup
L'un après l'autre, en place, il remit les pétales;
La veille encore, on aurait crié au scandale
On lui aurait tordu le cou
Il brûla nos trophé's, il brûla nos reliques
Nos gages, nos portraits, nos lettres idylliques
Bien belle fut la part du feu
Et je n'ai pas bronché, pas eu la mort dans l'âme
Quand, avec tout le reste, il passa par les flammes
Une boucle de vos cheveux
Enfin, pour bien montrer qu'il faisait table rase
Il effaça du mur l'indélébile phrase :
"Paul est épris de Virginie. "
De Virgini', d'Hortense ou bien de Caroline
J'oubli' presque toujours le nom de l'héroïne
Quand la comédie est finie
"Faut voir à pas confondre amour et bagatelle
A pas trop mélanger la rose et l'immortelle
Qu'il nous a dit en se sauvant
A pas traiter comme une affaire capitale
Une petite fantaisie sentimentale
Plus de crédit dorénavant. "
Ma mi', ne prenez pas ma complainte au tragique
Les raisons qui, ce soir, m'ont rendu nostalgique
Sont les moins nobles des raisons
Et j'aurais sans nul doute enterré cette histoire
Si, pour renouveler un peu mon répertoire
Je n'avais besoin de chansons