Georges Brassens
Le vingt-deux septembre
Un vingt et deux septembre au diable vous partites
Et, depuis, chaque année, à la date susdite
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous...
Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre
Plus une seule larme à me mettre aux paupières :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous

On ne reverra plus, au temps des feuilles mortes
Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous...
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi et pour enterrer les feuilles :
Le vingt-e-deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous

Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes
Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
Et me rompais les os en souvenir de vous...
Le complexe d'Icare à présent m'abandonne
L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous

Pieusement nous d'un bout de vos dentelles
J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous...
Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe
Les regrets éternels à présent me dépassent :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous
Désormais, le petit bout de cœur qui me reste
Ne traversera plus l'équinoxe funeste
En battant la breloque en souvenir de vous...
Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent
A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes :
Le vingt et deux septembre, aujourd'hui, je m'en fous

Et c'est triste de n'être plus triste sans vous