Georges Moustaki
Chanson cri
[Paroles de "Chanson cri"]
Je veux que ma chanson soit comme un cri d'alarme
Entre un air à la mode et un chanteur de charme
Et même si je ne chante pas assez fort
Qu'on veuille m'écouter trois minutes encore
Quand on entend parler des femmes que l'on viole
Pour beaucoup d'entre nous, ça reste des paroles
On discute, on s'indigne, on ferme le journal
Puis on finit par trouver ça presque normal
Hier, j'ai rencontré l'une de ces victimes
Pour la police, c'est affaire de routine
Et pour les autres, ce n'est guère qu'une histoire
Moi, j'ai vu la détresse au fond de son regard
J'ai lavé son corps couvert de sperme et de sang
L'individu était presqu'un adolescent
Très vite, il a fait ça sans amour ni plaisir
Il paraît qu'il a pleuré avant de s'enfuir
Mon Dieu, qu'avons-nous fait pour en arriver là ?
Que faut-il faire pour arrêter tout cela ?
Ma tête se révolte et mon cœur est meurtri
Et j'ai eu mal pour elle, et j'ai honte pour lui
Mais qui d'entre nous n'a jamais violé quelqu'un ?
Pour ne parler que de ces petits viols mesquins
Qui font partie de notre vie de tous les jours
Et abreuvent de larmes notre soif d'amour
La puissance, l'argent, la force et le mépris
L'autorité du père et celle du mari
La rigueur imbécile des fauteurs de l'ordre
Qui crée les enragés qu'il empêche de mordre
Car ce sont nos enfants qu'on appelle la pègre
Gauchistes, blousons noirs, drogués et autres nègres
Tous ceux qui, pour survivre, cherchent à rêver
Ceux qui cherchent la plage au-dessous des pavés
Et si je viens chanter à la télévision
Dans le cadre établi de la consommation
Avec l'approbation du prince et de la cour
Ne va pas croire que c'est pour faire un discours
Ce n'est pas non plus pour te convaincre ou te plaire
Ou chanter les idées qui sont déjà dans l'air
Mais c'est pour demander un aujourd'hui meilleur
En faisant simplement mon métier de chanteur
Je dis que le bateau prend l'eau de tous côtés
Il est temps qu'on essaye de le colmater
Victime ou criminel, les deux sont concernés
Et s'il y a un coupable, on est tous condamnés