Georges Moustaki
Petite fable
Mères effarouchées, ne soyez plus inquiètes
Je déserte le rang des trousseurs de nymphettes
Je n'irai plus chercher au sortir des écoles
Les tendrons qui parfois me prennent pour idole
Il y aura toujours des messieurs à rosette
Pour se laisser troubler par vos gentilles fillettes
Qui plus habiles que leurs maman désarmées
Savent si bien séduire et en oublient d'aimer
Ne croyez pas surtout que c'est pour leur chair fraîche
Que j'allais vers ces fruits au joli teint de pêche
J'avais du sentiment et le goût d'enseigner
Il me plaisait aussi à être le premier
Quelquefois j'abusais, j'avoue, de leurs sottises
Je n'étais pas toujours la victime soumise
A ces jeux-là on gagne et on perd tout autant
Et la blessure dure plus ou moins longtemps
Mères effarouchées, ne soyez plus inquiètes
Je déserte le rang des trousseurs de nymphettes
Je garderai sans doute un peu de nostalgie
Un reste de regret, mais c'est tout réfléchi
Je renonce à aimer ces charmantes personnes
Leurs printemps me faisaient oublier mes automnes
La jeunesse n'est pas affaire de saison
Je viens enfin d'atteindre l'âge de raison
Je dis adieu folie, il est temps d'être sage
De rejoindre le rang de ceux du deuxième âge
Mesdames, c'est vers vous que portent mes regards
Qu'on veuille m'excuser si je suis en retard
Mais à l'heure où je mets mon coeur en quarantaine
Je voudrais saluer Monsieur de la Fontaine
Les raisins sont trop verts quand ils sont intouchables
Et si ce n'est pas vrai, ça peut faire une fable
Et ma chanson n'était rien d'autre qu'une fable