Georges Moustaki
Fleurs de méninge
J'ai la méninge qui fleurit
La nature m'a tout appris
J'suis poète
Ma fortune est bien entendu
Comme un beau jardin suspendu
Dans ma tête
Pas de mémoire des myosotis
Souvent mon araignée en tis-
-sant sa toile
Fait un hamac pour ma pensée
Qui de là rêvant d'odyssée
Met la voile
Quand je m'embarque au grand bonheur
Je peux tout dire avec des fleurs
De méninge
Pour étourdir la midinette
Pas besoin de rose ni d'pâquerette
Au smokinge
Suffit pour être ensorceleur
De savoir faire pousser les fleurs
De méninge
Je ne cultive pas le souci
Mais je me rends vite à merci
Quand on cueille
Les plus douces pensées d'amour
Et la marguerite alentour
Que j'effeuille
Des fleurs poussées par ma passion
J'en fais éclore sans aversion
Sur l'bitume
Tout un parterre enjuponné
De belles de nuits dès que le né-
-on s'allume
Quand je joue au bel oiseleur
Je peux tout prendre avec des fleurs
De méninge
Pour m'en aller conter fleurette
Pas besoin de rose ni d'pâquerette
Au dancinge
Suffit pour ce gentil labeur
De savoir faire pousser les fleurs
De méninge
Je pense trop et je suis trop beau
Pour faire de vieux os de barbeau
Je m'en flatte
Tranquille j'attends qu'un voyou
Comme pour me guérir du mildiou
Me sulfate
Ou bien qu'on me plante au surin
Sur le ventre un joli jardin
Qu'on m'vaccine
Bref qu'on m'envoie sans mon faire-part
Grignoter les pissenlits par
La racine
Quand je m'embarqu'rai pour ailleurs
Tout sera dit en quelques fleurs
De méninge
Pour m'en aller aux oubliettes
Pas besoin d'rose ni d'pâquerette
Ni d'meetinge
Pas besoin non plus d'orchidées
Mais d'un simple bouquet d'idées
Suffira d'verser quelques pleurs
Pour arroser vos propres fleurs
De méninge