Oster Lapwass
Ma ville
Ma ville c'est une lumière, des ombres dans des cours
Une simple abstraction, une sorte de premier amour
Un spiritueux, un hiver, un hymen
Le bol gastrique de l'histoire de la Gaule Romaine
Elle porte ses vestiges près de ses clubs échangistes
Et sa banlieue reste le fruit d'un prothésiste
Ma ville c'est une étrange contrée selon Hemingway
Elle transporte ses globules sur des lignes de tramway
Ma ville c'est une guerre civile, un fratricide
Une sépulture à la soude, trois crucifix à la cime
Un avocat véreux et une vieille pute placide
Un rêve, une fille facile défoncée à l'acide
Ma ville c'est un poème, ma ville c'est un hapax
Avec un peu d'anthrax et les clodos du métro Saxe
Elle n'est pas belle mais grasse, et le faible elle l'écrase
Chacun sa case, dans ma ville les rats jacassent
Ma ville est franc-maçonne, antique comme Suétone
Elle a son passé calviniste, crève le ciel et tonne
Ma ville c'est un mystère, ésotérisme en pierre
Avec ses filles, ses mères, et puis ses vieux cimetières
Ma ville c'est du Magritte mélangée à du Basquiat
Un putain d'tonnerre, pris dans les cordes d'un castrat
Une tumeur dans ton thème astral, une perte
Ma ville c'est celle de Rabelais et de Louis Calaferte
Ma ville crève, ses artères ont des caillots
C'est l'infarctus aux heures de pointe à Berthelot
Elle meurt de sclérose sans la quenelle au brochet
Ma ville c'est un vagin dont le clito est Montrochet
Ma ville est de ferraille, structure élaborée
Avec des jeux de spirales, une belle horloge dorée
Elle brille de ses boutiques, ses néons multicolores
Mais elle n'est jamais aussi belle que nue à l'aurore
Ma ville c'est une idée, une sale illusion ridée
Le samedi à Bellecour, elle ressemble à une dinde vidée
Ma ville est pleine de couples, de zonards et d'ouvriers
Elle pue la grisaille et la misère à trier
Ma ville c'est une erreur, une galaxie avortée
Le parfum d'une jolie fille, une putain d'croix à porter
Ma ville possède ses artères et ses plaies
Ses arcades, sa liste FN et ses gorets
Ma ville c'est Chicago-sur-Rhône, Odessa-sur-Saône
Elle ressemble plus à Jerry Lewis qu'aux Rolling Stones
Elle porte des décolletés, des colts et des bottes
Ma ville a ses codes et elle te salue pas, cocotte
Ma ville c'est un poison diachronique au diapason
Elle a ses grafs, sa CAF, et ses putains d'prisons
Elle sera ton bourreau comme le Prague de Slánský
Ma ville est technologique, nihiliste et funky
Ma ville est pluriculturelle, belle, superficielle
Salope à temps partiel et chacun sa parcelle
Publicitaire et mercantile, tu connais pas ma ville
Elle te l'rend bien, frangin, et te digère dans sa bile
Ma ville c'est une aorte, un fichu point d'côté
Une métastase, un clou rouillé à ôter
Ma ville a ses charmes et ses milles banques à faire sauter
Ma ville c'est une voix, mais la nuit ma ville se tait