Jean Ferrat
À moi l’Afrique
Rouge et jaune coloriés par la main d'un écolier
En madras, en tablier, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Les seins lourds de tes nourrices nous rappellent les délices
D'une enfance qui résiste, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Mangeant des noix de cajou, flirtant le soir à genoux
Comme la liane enroulée avec le singe des blés
À moi, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Tapant des mains et des pieds au rythme fou des sorciers
Sous des rubans de papier, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Mon enfance retrouvée, tu te reprends à rêver
Tous tes livres, ils étaient vrais, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Voilà les fruits et les fleurs, les sources bleues, les couleurs
Les pagnes et les colliers au pas lent des chameliers
À moi, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Serpent de lune et parfum, l'odeur du thé au jasmin
Monte à portée de la main, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Et face aux tentes rayées, en plein désert appuyées
J'ai le cœur débarbouillé, à moi, à moi, à moi l'Afrique
Tout redevient neuf et beau, mon âme marche en sabots
Mes bras s'ouvriront demain, l'avenir n'est pas si loin
À moi, à moi, à moi, à moi l'Afrique