Jean Ferrat
Je ne suis qu’un cri
Je ne suis pas littérature
Je ne suis pas photographie
Ni décoration ni peinture
Ni traité de philosophie
Je ne suis pas ce qu'on murmure
Aux enfants de la bourgeoisie
Je ne suis pas saine lecture
Ni sirupeuse poésie
Je ne suis qu'un cri
Non je n'ai rien de littéraire
Je ne suis pas morceaux choisis
Je serais plutôt le contraire
De ce qu'on trouve en librairie
Je ne suis pas livre ou bréviaire
Ni baratin ni théorie
Qu'on range entre deux dictionnaires
Ou sur une table de nuit
Je ne suis qu'un cri
Je n'ai pas de fil à la patte
Je ne viens pas d'une écurie
Non je ne suis pas diplomate
Je n'ai ni drapeau ni patrie
Je ne suis pas rouge écarlate
Ni bleu ni blanc ni cramoisi
Je suis d'abord un cri pirate
De ces cris-là qu'on interdit
Je ne suis qu'un cri
Je ne suis pas cri de plaisance
Ni gueulante de comédie
Le cri qu'on pousse en apparence
Pour épater la compagnie
Moi si j'ai rompu le silence
C'est pour éviter l'asphyxie
Oui je suis un cri de défense
Un cri qu'on pousse à la folie
Je ne suis qu'un cri
Pardonnez si je vous dérange
Je voudrais être un autre bruit
Etre le cri de la mésange
N'être qu'un simple gazouillis
Tomber comme un flocon de neige
Etre le doux bruit de la pluie
Moi je suis un cri qu'on abrège
Je suis la détresse infinie
Je ne suis qu'un cri