Jean Ferrat
L’adresse du bonheur
Le jour ouvre un œil froid un arbre échevelé
Emerge de la brume en ébrouant ses branches
Les trottoirs de Paris rechaussent leurs souliers
On rêve encore un peu d'une aube toute blanche
Les gares grises s'ouvrent aux regards exilés
Dis-moi l'adresse du bonheur
Je sors les yeux gonflés d'un rêve éblouissant
Sur la rumeur du monde à peine je surnage
J'étais dans les nuées je descends je descends
Un transistor me crache une bordée d'orages
Dans mon regard se noient des millions de passants
Dis-moi l'adresse du bonheur
J'aimerais me saouler d'une goulée d'air pur
Droit sous des palmeraies que le soleil parfume
Boire loin de Paris l'alcool de l'aventure
Là-bas dans l'or du sable et l'argent de l'écume
Là-bas tellement loin qu'on dirait le futur
Dis-moi l'adresse du bonheur
Je marche malgré l'ordre et le poids du travail
Et je vis midi sonne aux clochers des usines
Hors des chemins battus je cherche mon bercail
L'enfant-fraternité dans les rues sans vitrines
Court tout illuminé d'un rire de corail
Dis-moi l'adresse du bonheur
Enfant
Dis-moi l'adresse du bonheur