Hugues Aufray
La ville que j’aimais tant
Dans mon cœur tambour il y aura toujours
Un battement pour la ville que j'ai tant aimée
Je m'souviens des jours où je séchais les cours :
On jouait au ballon dans le chantier
On rentrait le soir en courant sous la pluie
Et, pareille à l'eau de la fontaine au bout du square
S'écoula ma vie, mes jours et mes nuits
Dans la ville que j'aimais tant

Des matins d'orage, la sirène du barrage
Appelait à l'ouvrage les femmes de la cité
Et les hommes au chômage tenaient le ménage
Préparaient aux enfants leur goûter
La vie était dure, pas de pain dans le four
Mais ils regardaient droit devant sans murmure
Comme des vautours ils veillaient sur leurs tours
De la ville que j'aimais tant

Il y avait dans l'air comme un hymne, un air
Une chanson poitrinaire qui montait de l'arsenal
Je n'étais pas peu fier le jour de mon premier salaire
Quand je jouais d'la guitare dans les bals
Ainsi passait ma jeunesse, et, pour dire le moins
Je ne chantais pas ou en montant dans l'express
De la ville que j'aimais tant
Quand je m'en suis r'tourné après bien des années
Les yeux m'ont brûlé de voir ma ville à genoux
Les tanks, les blindés, les cafés bombardés
Et dans l'air, cette odeur de brisé
L'armée a mis ses feux sur le vieux chantier
Et ces maudits, maudits remparts de barbelés !
Qu'ont-ils faits, mon Dieu, les vétérans et les bleus
De la ville que j'aimais tant ?

Et passe le temps et passent les ans
Au loin, dans le vent, sont envolés mes regrets
Le feu et le sang sont rentrés dans les rangs
Et j'espère ne les revoir jamais
Mais toi, mon p'tit frère, qui n'a pas connu ça
Tes pistolets de plastique et tes sabres de bois
Range-les au vestiaire : on ne joue pas à la guerre
Dans la ville que j'aime tant !