Yves Jamait
Les rires et le clown
Ce soir étrangement, le chapiteau repose
La mort a fait main basse sur le rire des enfants
Le clown s'en est allé et la lune répand
Sur son lit les onguents de la métamorphose
La fanfare affligée et l'écuyère en pleurs
Les petits poneys blancs aux toupets de velours
L'escorteront demain à grands coups de tambours
Sur la butte escarpée où sera sa demeure
Lui, drapé dans l'azur, ira dire aux planètes
Naissantes et toutes pleines de vie à décanter
Le secret lourd et bleu des rires désenchantés
Qui sonnent en mineur les flonflons de la fête
Dans un cirque étoilé tendu de nuées blondes
Pour des soleils enfants aux rires incandescents
Le clown fera revivre, ridicule et savant
Les rires où sont cachées les détresses du monde
Le rire du vieillard près de l'arbre à palabres
Cassant comme un regret sous le poids d'un jour neuf
Le rire du coolie éreinté comme un boeuf
Ou le rire du fou, affûté comme un sabre
Saltimbanque des rires qu'une larme enchevêtre
Il jonglera si bien, le clown, que l'infini
Refera le calcul de ses cosmogonies
Pour renouer les fils de ses pantins terrestres
Mais il taira le pire, le rire impardonnable
Ce triste rire d'enfant si las que déjà vieux
Pour qui le clown ira botter le cul des dieux
Où qu'ils soient, dans leurs Olympes improbables
Ce soir étrangement, le chapiteau repose