Gabriel Fauré
Dans la forêt de Septembre
Ramure aux rumeurs amollies
Troncs sonores que l'âge creuse
L'antique forêt douloureuse
S'accorde à nos mélancolies
Ô sapins agriffés au gouffre
Nids déserts aux branches brisées
Halliers brûlés, fleurs sans rosées
Vous savez bien comme l'on souffre!
Et lorsque l'homme, passant blême
Pleure dans le bois solitaire
Des plaintes d'ombre et de mystère
L'accueillent en pleurant de même
Bonne forêt ! promesse ouverte
De l'exil que la vie implore!
Je viens d'un pas alerte encore
Dans ta profondeur encor verte
Mais, d'un fin bouleau de la sente
Une feuille, un peu rousse, frôle
Ma tête, et tremble à mon épaule;
C'est que la forêt vieillissante
Sachant l'hiver, où tout avorte
Déjà proche en moi comme en elle
Me fait l'aumône fraternelle
De sa première feuille morte