Hubert-Félix Thiéfaine
Les Jardins sauvages
J'aime rôder vers les fleurs perdues
Dans les jardins sauvages
Aux parfums d'ardoises & de rues
Des villes avant l'orage
La rosée de leurs yeux trop mauves
Reflète une lumière
Qui conduit parfois les vieux fauves
& les anges en enfer

J'aime rôder vers les fleurs perdues
Dans les jardins sauvages
& m'égarer dans les ciguës
& dans les saxifrages
Sentir la chair d'une figue verte
Qui s'offre lentement
Sur le rose d'une corolle ouverte
À mon souffle tremblant

J'aime rôder vers les fleurs perdues
Dans les jardins sauvages
Aux nuances des gris bleus des grues
Des banlieues de passage
Le velours de leurs lèvres humides
À l'ombre de leurs voiles
M'entraîne & m'attire vers le vide
Où murmurent les étoiles
J'aime rôder vers les fleurs perdues
Dans les jardins sauvages
Aux parfums d'ardoises et de rues
Des villes avant l'orage
Suivre le jeu d'une étamine
Sur un œillet violet
Qui s'entrouvre et qui s'illumine
D'une larme de lait