Hubert-Félix Thiéfaine
La ruelle des morts
Avec nos bidons en fer blanc
On descendait chercher le lait
À la ferme au soleil couchant
Dans l’odeur des soirs de Juillet
On avait l’âge des confitures
Des billes & des îles aux trésors
& l’on allait cueillir les mûres
En bas dans la ruelle des morts
On nous disait que Barberousse
Avait ici sa garnison
& que dans ce coin de cambrousse
Il avait vaincu des dragons
On avait l’âge de nos fêlures
& l’on était Conquistadors
On déterrait casques & fémurs
En bas dans la ruelle des morts
On arrosait toutes nos victoires
À grands coups de verre de Kéfir
Ivres de joie & sans le savoir
On reprenait Mers El-Kébir
Puis c’était nos chars en dinky
Contre les tigres-doryphores
Qui libéraient la french county
En bas dans la ruelle des morts
Que ne demeurent les printemps
À l’heure des sorties de l’école
Quand les filles nous jouent leurs 16 ans
Pour une bouiffe de Royale Menthol
Je n’sais plus si c’était Françoise
Martine Claudine ou Marie-Laure
Qui nous f’saient goûter leurs framboises
En bas dans la ruelle des morts
Que ne demeurent les automnes
Quand sonne l’heure de nos folies
J’ai comme un bourdon qui résonne
Au clocher de ma nostalgie
Les enfants cueillent des immortelles
Des chrysanthèmes / des boutons d’or
Les deuils se ramassent à la pelle
En bas dans la ruelle des morts